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Dr SIKORSKI . — l’évolution psychique de l’enfant

qui se manifeste par la large ouverture des paupières et par le rire. Le caractère passager de ce rire prouve, d’une manière incontestable, son anormalité, les rires ayant cessé dès que les conditions de la nutrition se sont améliorées.

La comparaison de ces deux enfants, outre les différences émotionnelles et intellectuelles déjà mentionnées, fait ressortir un trait remarquable de plus. Les sentiments du second présentent un degré de développement de beaucoup supérieur : si on le menace du doigt en badinant, ou si on lui ôte quelque chose, il fait preuve d’affliction, tandis que le premier reste indifférent.

La cessation des pleurs constitue un problème important de l’éducation. Elle est obtenue, dans le courant des premiers mois, par des soins attentifs et consciencieux,’ayant pour but, avant tout, de faire disparaître toutes les conditions provoquant des sensations déssgréables. D’un autre côté, il faut fournir à l’enfant tous les plaisirs auxquels il prend goût instinctivement : un régime régulier et, surtout, des mouvements, des observations, des jeux et un sommeil abondant. La médecine classique donnait déjà sous ce rapport des indications très précises : Pueri jam ablactati in requie habendi et in hilaritate exercendi sunt[1]. On peut dire que les soins attentifs constituent, dans les premières années de la vie, le côté le plus important de l’éducation.

À dater des troisième et quatrième mois de sa vie, au moment de l’apparition des premiers germes de la conscience et de la volonté, l’enfant entre dans une période nouvelle du développement des sentiments[2]. À cette période de son existence, outre les sensations physiques élémentaires, qui continuent d’influer sur son humeur il devient apte à éprouver des états psychiques plus compliqués, d’un ordre plus relevé, et qui se trouvent en connexion avec ses premières perceptions, avec ses idées élémentaires. Comme exemple de cet état plus compliqué, on peut citer le plaisir qu’exprime l’enfant en regardant un objet bien connu, par exemple la figure de sa mère qu’il reconnaît facilement. L’imitation, à cette époque, est le moteur le plus puissant du développement des sentiments. Le meilleur milieu éducatif consiste, pour l’enfant, dans la communication continuelle avec sa mère, lorsque celle-ci lui sert de nourrice et de bonne. Il existe, dans le développement des sentiments, deux moments qui ont la plus grande importance, et dont l’analyse est également indispensable pour notre problème.

  1. Œuvres d’Oribase, éd. Daremberg, t.  vi, p. 56.
  2. Ces deux périodes éducatives sont acceptées aussi par Uffelmann, Hygiène des Kindes (Hygiène de l’enfance), Leipzig, 1881, p. 252-253.