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ainsi que la facilité de pleurer, n’étant pas combattue, peut dégénérer avec le temps en déviations plus ou moins fixes des fonctions émotionnelles.

L’investigation des causes de la pleurnicherie présente de grandes difficultés pour les cas concrets. On peut cependant assigner aux pleurs trois causes principales :

1o Les maladies fréquentes des enfants, surtout celles de l’appareil digestif. — Il est démontré par l’expérience que les affections les plus légères tournent vers le côté négatif l’humeur de l’enfant.

2o Les soins imparfaits. — On peut affirmer que les soins parfaits ont une signification beaucoup plus importante qu’on ne le croit ordinairement. Des observations que j’ai faites sur mes propres enfants, comme sur d’autres, m’autorisent à conclure que l’absence des pleurs, due aux soins parfaits pendant la première année de la vie, produit des résultats très propices, et particulièrement en ceci que les accès de pleurs, dans le courant de la deuxième à la troisième année, ne sont pas de longue durée, ne sont point accompagnés de grands cris et peuvent être facilement coupés. Il est assez facile d’exercer ces enfants dans l’art de maîtriser les pleurs. Les enfants mal soignés offrent des qualités contraires.

3o Les conditions de naissance et de généalogie. — Elles exercent aussi, comme les causes désignées, une influence sur la pleurnicherie de l’enfant. Nous allons l’expliquer par un exemple. La petite fille d’un homme frappé de paralysie progressive générale, avait été conçue alors que les premiers symptômes de la maladie de son père s’étaient déclarés. L’enfant se trouva dans les meilleures conditions possibles sous le rapport des soins de sa mère, qui, étant une personne fort instruite, s’efforçait d’atténuer l’influence de la prédisposition héréditaire. L’éducation et les soins que cette mère prodiguait à sa fille étaient irréprochables. Et cependant, l’enfant montra, de très bonne heure, des dispositions aux sanglots qui avaient un caractère spasmodique. L’enfant était fort bien élevée, elle faisait tous ses efforts pour retenir ses larmes, et malgré tout, les émotions psychiques, se résolvant par des pleurs, se produisaient irrésistiblement chez elle et étaient accompagnées, toutes les fois qu’elle commençait à pleurer, par des sanglots qui duraient longtemps.

Cet exemple prouve qu’il faut admettre l’activité de la prédisposition maladive à l’époque la plus avancée de la vie. Il paraît que c’est cette influence qui explique, dans certains cas, les différences tranchées dans les sensations et dans l’humeur des enfants qui se trouvent