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n’est qu’un mouvement musculaire : il n’est associé à aucun entendement, à aucune pensée ; c’est un acte réflexe. Enfin, à partir du quatrième mois, l’enfant qui éprouve une sensation agréable émet de légers sons.

La sensation du désagréable[1] se traduit, au contraire, par l’occlusion des paupières et, si elle est forte, par des cris ; à partir du troisième mois, le cri est accompagné de larmes qui, auparavant, manquent totalement. À partir du quatrième mois, le signe mimique le plus délicat, trahissant une sensation désagréable, consiste dans l’abaissement des angles de la bouche ; ce signe précède tous les autres, et est quelquefois le seul à se manifester, dans le sommeil par exemple.

La faim et la soif[2], mieux que par tout autre signe, sont indiquées par le fait de la mise en train immédiate des mouvements de succion, dès qu’un objet quelconque est introduit dans la bouche ; si elles sont intenses, elles produisent une agitation générale et des cris. L’excitabilité réflexe de la peau des joues et des lèvres est alors augmentée[3].

La sensation de fatigue constitue, au point de vue pratique, une face des plus importantes de l’hygiène de l’enfance. Quel que soit l’appareil nerveux frappé de fatigue, celle-ci se manifeste chez le nouveau-né par la somnolence, et si elle atteint un certain maximum, par des cris qui sont suivis de sommeil. Un des traits caractéristiques de l’enfance est l’épuisement facile des appareils sensitifs, et cela se rapporte non seulement aux appareils périphériques, mais aussi aux appareils centraux : ce n’est pas l’œil seulement ou l’oreille de l’enfant qui se fatiguent, ce sont les centres cérébraux qui sont atteints par l’épuisement.

L’épuisabilité est d’autant plus prononcée et évidente que l’âge de l’enfant est plus tendre. La fatigue et l’épuisement des centres nerveux ont pour conséquence une sensation désagréable très prononcée. Le sommeil survient par suite de fatigue et peut servir de critérium pour apprécier la fatigabilité de l’enfant. Des veilles, tant soit peu prolongées, fatiguent tous les appareils cérébraux et suffisent à elles seules, sans autres causes, à faire pleurer l’enfant et à le plonger ensuite dans le sommeil. Les impressions de douleur ne font aucune exception à cette règle. M. Genzmer[4] raconte à ce

  1. Ibid., p. 93 à 96.
  2. Ibid., 96 à 99.
  3. A. Genzmer, Untersuchungen über Sinneswahrnehmungen des neugeb. Menschen, Halle, 1882, p. 17. Gensmer. (Sur la perception chez le nouveau-né).
  4. Ibid., p. 11.