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LE DÉVELOPPEMENT PSYCHIQUE DE L’ENFANT


I. — les sentiments

Le but du présent travail est de suivre quelques phases du développement névro-psychique de l’enfant et de déterminer les principales conditions qui le favorisent ou qui l’enrayent. Tout récemment encore, cette question n’était examinée que du point de vue purement pédagogique et cela en négligeant la première enfance. Actuellement il ne peut plus en être ainsi : une série d’importants travaux, ayant un caractère franchement scientifique et dus, pour la plupart, à des médecins ou à des naturalistes, sont venus constituer la psychologie de l’enfance et, partant, la base de l’hygiène de l’éducation. Tels sont les travaux de Sigismund, de Darwin, de Kussmaul, de Taine, de Preyer, de Perez, de Vierordt, d’Uffelmann ; ajoutons-y la nouvelle édition, reçue avec tant d’intérêt, du célèbre penseur du xviie siècle, J. Locke.

Nous examinerons successivement le développement des sentiments, celui de la volonté, celui de la raison et la marche de l’évolution psychique dans son ensemble. Nous nous occuperons, dans cet article, du développement des sensations générales et des émotions ou affections.

Le nouveau-né possède les sensations générales les plus élémentaires : celle de l’agréable et du désagréable, celle de la faim et de la satisfaction de la faim, et celle de la fatigue ; mais il ne donne encore aucun signe d’émotions psychiques plus complexes.

La sensation de l’agréable[1] a, pour première expression mimique, le fait d’ouvrir largement les yeux et une sécrétion modérée de larmes on le voit nettement pendant que l’enfant tête. Plus tard s’y ajoutent des mouvements des extrémités supérieures, (tandis que les inférieures demeurent au repos), et des contractions des muscles de la face, disposant celle-ci au sourire ; mais ce sourire

  1. Preyer, Die Seele des Kindes, Leipzig, 1882, pag. 90 à 93. (Preyer, l’Âme de l’enfant).