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sant, qui considère l’action ; et elle consiste essentiellement dans la détermination de la pensée à inférer l’existence de cette action de quelques phénomènes précédents ; comme la liberté, en tant qu’opposée à la nécessité, n’est rien que le manque de cette détermination, et une certaine latitude ou indifférence (looseness or indifference), que nous sentons, dans le passage de l’idée d’un objet à l’idée d’un objet qui lui succède » (sect. VIII, p. I, note). Ainsi la sensation qui répond à l’habitude déterminante est bien le principe de notre idée de connexion nécessaire. Mais cette sensation n’a rien de commun avec une conscience directe de l’énergie, de l’efficacité du pouvoir. Elle est une sensation, rien de plus, et une sensation décevante, puisque transportée aux choses, réalisée en elles, elle leur surajoute un élément subjectif, sans réalité, qui nous égare sur la vraie nature de la nécessité et devient le principe d’erreurs telles que la croyance au libre arbitre.

En résumé, M. Rabier a bien montré que David Hume distingue entre la connexion constante et la causalité ; qu’il attache l’idée de connexion nécessaire à une sensation sui generis, qui répond (toutes les fois que l’action n’est pas un mouvement communiqué) à une habitude déterminante pour l’imagination. Mais il n’a pas vu que, pour Hume, cette sensation est purement subjective, qu’elle est stérile ou plutôt féconde en sophismes ; en un mot, qu’elle est une illusion sans rapport aucun avec la réalité externe ou interne. Après cela je crois que personne ne me contredira si je conclus que la théorie de David Hume est l’antithèse de la thèse de Maine de Biran, selon lequel l’idée de cause, telle que nous la révèle l’effort, est le grand principe d’explication des choses.

Gabriel Séailles.

M. Regalia nous écrit de Florence au sujet du compte rendu (publié dans la Revue de décembre dernier, p. 713) de ses deux articles sur la téléologie et les fins de la douleur. Il est dit dans le compte rendu que M. Regalia « a quelque difficulté à se délivrer de la croyance que le monde ait pour auteur un être intelligent ou, sans cela, que tout soit bien, au moins parce que tout doit finir bien dans le monde ». M. Regalia tient à déclarer que, « loin que ce soit là son opinion, tout son article est, au contraire, une réfutation, qu’il croit originale, de l’ordre d’idées qu’on lui attribue ».

La Critique philosophique, jusqu’ici hebdomadaire, devient mensuelle à partir du 1er février. Son supplément trimestriel, La Critique religieuse, cessera de paraître séparément, les deux publications étant désormais fondues en une seule.

Le 15 janvier a paru le premier numéro de la Revue socialiste sous la direction de M. B. Malon. Elle se propose de n’être « l’organe ni d’un homme, ni d’une secte, ni même d’un parti », et elle promet « d’étendre ses investigations à tous les confluents de la science sociale philosophie, morale, esthétique, histoire, éducation, politique. »

La Revue de Belgique (15 janvier) publie un article de M. de Laveleye sur des Lettres inédites de Stuart Mill.

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