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A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

rappellent ceux de l’épilepsie partielle ; puis tout à coup, au bout d’une minute et demie, la main s’arrête ; elle est complètement inerte et flasque, et peu à peu elle s’engorge, tandis que là main gauche reprend progressivement ses mouvements, sa température et sa couleur normale.

Au moment où le transfert par l’aimant commence à s’opérer, le sujet se plaint d’une douleur de tête, qui occupe toujours le même siège, quelles que soient les expériences qu’on pratique sur le membre supérieur. En nous fondant sur les travaux antérieurs de l’un de nous, nous croyons pouvoir localiser cette douleur sur la partie moyenne et inférieure de la circonvolution frontale ascendante, c’est-à-dire dans la région dont les lésions produisent la paralysie localisée au membre supérieur. Cette douleur, après avoir occupé la région pariétale du côté de l’aimant, passe de l’autre côté, à mesure que le transfert se fait.

Nous ne nous arrêterons pas à développer des considérations générales sur la pathogénie de ces paralysies par suggestion, paralysies par idées, comme disent les Anglais, ou encore paralysies psychiques. Bornons-nous à noter l’action de l’aimant. On remarquera que le transfert de la paralysie se fait graduellement ; le bras droit ne se paralyse pas d’un seul coup il commence par trembler et présente des convulsions intenses qui rappellent un accès d’épilepsie partielle ; l’impotence fonctionnelle n’arrive qu’après. Il semble que le centre moteur du bras a besoin de se décharger, de se vider en quelque sorte, avant de subir l’action d’arrêt que développe la suggestion. On he rappelle qu’il s’est passé quelque chose d’analogue dans une de nos expériences antérieures ; nous avions suggéré un mouvement automatique de l’index ; grâce à la compression du bras et à des injonctions répétées, le doigt finit par rester immobile, mais seulement après avoir présenté des mouvements convulsifs très violents.

On peut suggérer non seulement la paralysie d’une moitié du corps ou de tout un membre (paralysies totales), mais encore la perte des mouvements spéciaux, de mouvements adaptés. C’est ainsi que l’on peut faire perdre à l’hypnotisable la faculté d’exécuter les mouvements nécessaires pour l’action de coudre, d’écrire, etc., tout en respectant les autres mouvements. Il s’agit alors de paralysies systématisées d’un intérêt tout particulier. Il est possible de localiser davantage encore l’impotence fonctionnelle en supprimant exclusivement les mouvements qu’il faut faire pour tracer un seul caractère ; par exemple, le sujet pourra tracer toutes les lettres, tous les chiffres excepté le 2, si on le lui interdit.