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ANALYSES.j. sully. Outlines o f psychology.

une image typique ou générique ; et il compare, d’après M. Galton, ces images génériques aux tableaux composites formés par la superposition de plusieurs impressions photographiques sur une plaque unique. — Dans la théorie du jugement, M. Sully n’insiste pas assez à notre gré sur la croyance, sans doute parce qu’il renvoie le lecteur à la magistrale étude qu’il en a faite dans son « Intuition et Sensation ». Il maintient que la croyance, malgré ses rapports avec l’intelligence, le sentiment et l’activité, est un état mental, parfaitement simple, marqué d’un caractère sui generis ». Parmi ses sources, il indique l’expérience et l’association, la suggestion verbale et l’effet du sentiment, mais on chercherait en vain ici une théorie systématique de la croyance, comme celle par exemple que M. Rabier expose dans son récent livre « Leçons de philosophie », où la croyance est définie un mode inséparable de toute représentation non contredite.

On remarquera la même absence de théorie générale dans le chapitre sur les sentiments. Ainsi M. Sully ne fait nulle part une énumération systématique des sentiments vraiment simples et primitifs : il se contente de citer la colère, la crainte, l’amour, etc., sans montrer comment ils dérivent du plaisir et de la douleur, bien qu’il définisse le sentiment « tout état de conscience agréable ou pénible ». Aucun effort n’est fait pour ramener à l’unité les différentes lois du plaisir et de la douleur : « loi de la stimulation ou de l’exercice » ; « loi du changement ou du contraste » ; « loi de l’accommodation ou de l’habitude » ; « loi de l’harmonie et du conflit. »

La théorie de la sensibilité adoptée par la plupart des psychologues français fait dépendre les sentiments des instincts ou penchants innés de l’âme humaine. Elle semble ignorée de la psychologie anglaise qui ne la discute même pas. Cependant M. Sully admet « des capacités instinctives d’émotions de differentes sortes répondant à des classes bien marquées de sentiment, telles que la peur, la colère et l’amour » ; mais ces susceptibilités émotionnelles qui tiennent sans doute à la structure des organes et sont probablement des résultats d’expériences ancestrales ne sont nullement identiques aux aptitudes et tendances actives, étudiées par les psychologues français sous les noms d’inclinations et de penchants. M. Sully ne peut voir dans ces derniers faits que des habitudes émotionnelles plus ou moins générales que l’expérience et l’association fixent seules sur certains objets. C’est ainsi, selon lui, que se forment et les sentiments égoïstes, et la sympathie, et l’amour de la connaissance, et le sentiment esthétique, et le sentiment moral.

Deux chapitres contiennent une analyse extrêmement complète de la volonté : le premier nous la montre sortant du désir, se compliquant d’éléments intellectuels et s’assujettissant peu à peu les différents mouvements corporels sous la double influence de l’expérience et de l’habitude ; le second la poursuit dans les plus hautes régions de la vie mentale où l’action réfléchie et motivée, visant à des