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ANALYSES.j. sully. Outlines o f psychology.

entend par perception, non, comme l’ont fait à tort certains auteurs (par exemple M. Janet dans son Cours élémentaire de philosophie), l’acte par lequel l’esprit distingue et identifie des sensations, mais l’opération par laquelle les sensations sont localisées et rapportées à des objets définis. Voici la définition qu’il en donne : « La perception est un acte ou processus mental, enveloppant des éléments présentatifs et représentatifs. Plus précisément, la perception est ce processus par lequel l’esprit, après avoir distingué et identifié une impression des sens simple ou complexe, la complète par un accompagnement ou une escorte de sensations ressuscitées, l’agrégat total des sensations actuelles et ressuscitées étant solidifié ou « intégré » sous la forme d’un percept, c’est-à-dire d’une appréhension ou, connaissance qui semble immédiate d’un objet actuellement présent dans un lieu ou dans une région particulière de l’espace ». Peut-être la psychologie française aurait-elle intérêt à emprunter au vocabulaire de la psychologie anglaise le terme de percept pour désigner le produit de la perception, c’est-à-dire la représentation de l’objet extérieur définitivement acquise et liée à la sensation excitatrice. M. Sully essaye d’expliquer par la seule expérience individuelle la formation de tous les percepts : il est cependant probable, d’après lui, qu’en connexion avec l’organisme nerveux héréditaire, tout enfant a une tendance innée à coordonner les sensations rétiniennes avec celles du mouvement oculaire et les sensations visuelles toutes ensemble avec les expériences du toucher actif. Il voit dans cette hypothèse « un moyen de réconcilier les théories opposées d’une intuition originelle ou d’une intuition dérivée de l’espace par l’œil ».

À la théorie de la perception succède celle de l’imagination reproductive. L’association est introduite comme l’une des deux conditions de la reproduction des images (l’autre étant la profondeur de l’impression primitive) et ramenée à trois lois : contiguïté, similarité et contraste. Parmi les facteurs psychologiques de la contiguïté, M. Sully signale l’attention « connective », dont les psychologues anglais ont presque tous méconnu le rôle ; et, en général, il fait à l’activité propre de l’esprit une large place dans toutes ses théories. Le contraste est considéré comme un cas particulier de la contiguïté, mais les deux lois de contiguïté et de similarité semblent à notre auteur tout à la fois distinctes et inséparables. Du moins c’est ainsi que nous interprétons sa doctrine. « On peut dire, selon lui, que chaque mode de reproduction implique, en proportions différentes ou à différents degrés de distinction, la coopération de deux éléments, un lien de similarité ou d’identité et un lien de contiguïté. Ainsi quand le nom d’une personne évoque l’image de sa physionomie, c’est parce que le son présent est automatiquement identifié à des sons précédemment entendus. Ainsi encore la renaissance par similarité implique d’ordinaire la contiguïté (comme M. James Ward l’a montré[1]). Quelquefois, il est vrai,

  1. Voir la même théorie dans un article de M. Brochard, Revue philosophique, t.  IX.