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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

expulser le fruit pendant l’effort). La parturition des animaux n’est aussi facile que parce que rien n’est modifié de leur existence active, au cours de la gestation.

Nous trouvons encore dans cette partie du IVe livre du traité De la Genèse, qu’il semble bien difficile d’attribuer à Aristote, un chapitre spécial sur les môles, que l’auteur sépare avec raison des monstres proprement dits. Toutefois il confond évidemment sous ce nom divers accidents, tels qu’expulsions de corps fibreux ou même grossesses extra-utérines. « Assez souvent, dit-il, après être devenue grosse, une femme n’accouche point au terme voulu, reste ainsi plusieurs années et finalement, à la suite des douleurs qui peuvent mettre sa vie en danger, rend un monceau de chair connu sous le nom de môle (μύλη). Ces masses sont parfois si dures qu’on peut à peine les entamer avec l’instrument tranchant. » Or, beaucoup de médecins se trompent en croyant le môle produit par un excès de chaleur et de coction. Il résulte au contraire d’un manque de chaleur, comme si la nature n’avait pas eu la force de parfaire son ouvrage. Quant à la raison pour laquelle on n’observe pas de môle chez les animaux, il faut la chercher dans la tendance de la femine aux affections de la matrice, et à l’abondance de ses menstrues.

S’il est douteux qu’Aristote soit l’auteur de toute cette partie gynécologique du traité De la Genèse, moins en raison des connaissances médicales qu’on y trouve et auxquelles le fils d’un médecin pouvait, à la rigueur, n’être point étranger, qu’en raison des doctrines qu’on professe, fort souvent très éloignées de celles de l’École, on doit sans doute lui attribuer tout ce qui est relatif à la durée de la gestation chez les animaux. Elle est rigoureusement fixée pour chaque espèce animale (Gen., IV, 120). Seule la femme fait exception, seule elle offre cette particularité qu’elle peut porter de sept à dix mois. (Gen., IV, 7). Des enfants nés à huit mois ont vécu ; mais cela s’est vu rarement[1].

Pour les espèces animales, il semblerait, au premier abord, que la durée de la gestation fût en rapport avec celle de la vie de l’espèce, les gros animaux ayant une gestation plus longue et vivant généralement plus que les petits[2]. Mais cette règle n’est pas absolue. L’homme vit plus longtemps que le cheval, le bœuf et le chameau qui sont plus gros que lui ; il vit plus longtemps que tous les ani-

  1. On trouve les conduits des oreilles et du nez encore fermés sur les enfants qui viennent à sept mois (voy. ci-dessus). Ces conduits s’ouvrent un peu plus tard par l’effet du développement et dès lors l’enfant qui vient avant terme (à huit mois) peut continuer de vivre (Gen., IV, 98).
  2. Voy. ci-dessus, p. 204.