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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

lui, à côté de la portion qui forme l’embryon, une masse nutritive pour subvenir à ses premiers besoins : c’est seulement après épuisement de celle-ci que les vaisseaux du cordon commenceront à fonctionner, comme la graine après avoir épuisé la substance de ses cotylédons enfonce sa radicule dans la terre (Gen., II, 68). L’embryon à partir de ce moment tire sa nourriture de la matrice, de cette nourriture il fait du sang et c’est le cœur qui remplit cette fonction. En même temps l’extérieur du germe se durcissant forme les membranes, dont l’une s’appelle hymen (= l’amnios) et l’autre chorion (Gen., II, 61). Elles se distinguent, comme les méninges, par le plus et le moins, c’est-à-dire que l’une est épaisse et l’autre mince. On les retrouve dans les œufs des ovipares pendant l’incubation. Une ancienne opinion encore partagée au temps d’Aristote voulait que l’enfant se nourrît du corps même de la matrice en suçant ses parois. Le philosophe la réfute sans peine, car s’il en était ainsi, dit-il, les embryons des autres vivipares feraient de même ; or il est aisé de s’assurer, en ouvrant leur matrice, que chaqne foetus y est toujours enveloppé de membranes qui l’isolent complètement. Comment d’ailleurs se développeraient en ce cas les ovipares, hors du corps de la mère ?

On a vu que la vie du germe était d’abord comparable à celle des végétaux. Un peu plus tard l’existence de l’embryon a quelque rapport avec le sommeil ; toutefois ce n’est point le sommeil (Gen., V, 8), parce qu’il n’y a pas sommeil sans réveil (Gen., V, 8), c’est-à-dire sans alternatives de veilles. Enfin le fœtus devient vraiment animal quand il acquiert le sentiment (αἴσθησις)[1]. À partir de cette époque seulement on peut dire de lui qu’il dort[2]. Il dort surtout en raison du développement précoce et de la lourdeur de sa tête[3]. Mais il a aussi ses moments de veille, comme le montre l’examen des embryons dans la matrice ou des poulets dans l’œuf (Gen., V, 9). Aristote pour parler ainsi avait certainement observé les mouvements très vifs que présentent les jeunes poulets (dès le douzième jour de l’incubation) et ceux des fœtus des vivipares dans la matrice. Un médecin, s’il avait écrit ce passage, n’eût pas manqué sans doute de signaler les mouvements de l’enfant dans le sein de la mère. Mais revenons aux phénomènes embryogéniques proprement dits.

Le cœur, principe des veines comme de tous les organes (Gen.,

  1. Comp. ci-dessus, p. 377, tome XVIII.
  2. « Le sommeil n’est-il pas l’intermédiaire entre la mort, c’est-à-dire le néant, et la vie ? (Gen., V, 7) ».
  3. Voy. plus haut.