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térieur du corps : au dehors les œufs périraient, étant mal protégés. À mesure qu’ils avancent en âge, ils s’éloignent du diaphragme et descendent vers les parties basses ; leur développement est d’ailleurs en tous points comparable à celui des œufs des ovipares.

Certains animaux pondent des œufs incomplets, immatures, pour employer une expression familière aux entomologistes et qui s’applique assez bien ici. Ces œufs en effet s’accroissent encore après la ponte on les trouve chez les Poissons proprement dits, les Crustacés, les Mollusques (= Céphalopodes). La raison pour laquelle les poissons pondent des œufs incomplets[1] et qui devront grossir au dehors, rentre dans les causes finales : « Il faut que ces animaux aient beaucoup d’œufs ; or si ces œufs devaient mûrir à l’intérieur du corps le nombre s’en trouverait forcément restreint. Ils doivent donc grossir à l’extérieur. Au reste c’est une règle, que chez tous les êtres appelés à une grande multiplication, animaux ou plantes, le volume du produit, œuf ou graine, diminue et fait place au nombre. »

Les insectes ne pondent pas d’œufs, mais des scolex. Les scolex n’ont pas besoin d’éclore, ils grossissent dès leur venue au monde sans qu’on distingue en eux aucun organe. Nous y reviendrons.

Aristote, avec ce sentiment des corrélations naturelles qu’il a à un si haut degré, découvre un rapport entre la nature des œufs et les animaux qui les pondent. Les oiseaux et les animaux à écailles, qu’il rapproche toujours[2], pondent des œufs complets en raison de leur propre chaleur ( « chaleur » étant pris ici dans le sens de dignité organique » ), et avec une coque en raison de la dureté de leur peau. Les Sélaciens ont leur chaleur en partie tempérée par l’eau ; de plus ils n’ont ni plumes, ni plaques, ni écailles, les signes ordinaires d’une nature sèche, et terreuse[3] : ils pondent en conséquence des œufs mous comme eux-mêmes, et de plus ils devront garder dans la matrice ces œufs mal défendus. Toujours en vertu des mêmes corrélations, les Poissons qui sont couverts d’écailles et les Crustacés pondent des œufs à coque résistante. Les Mollusques (= Céphalopodes), dont le corps est gluant, pondent des œufs enveloppés de mucus (Gen., III, 12).

L’œuf n’est en définitive qu’une graine et inversement « ce sont des œufs que porte le robuste olivier », avait chanté Empédocle[4].

  1. « Les poissons ressemblent jusqu’à un certain point aux animaux qui pondent des scolex (Gen., III, 70). »
  2. Nos classifications modernes les confondent aujourd’hui sous le nom de Saurepsides ».
  3. Voy. ci-dessus.
  4. Voy. S. Karsten. Empedocles, V, 245.