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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

L’œuf des animaux est complet ou incomplet. Il est complet quand il possède bien nettement un jaune et un blanc (Gen., I, 20). Il est incomplet, quand on ne distingue point ces deux parties ou quand elles se séparent tardivement, comme chez les Poissons (téléostéens) où cela n’arrive qu’après l’imprégnation (Gen., III, 72). Cette opinion s’explique très bien en supposant qu’Aristote confond avec l’albumen les premiers rudiments de l’embryon et appelle jaune le contenu de la vésicule ombilicale, bien visible chez certaines espèces, en particulier les Salmonides[1]. Nous avons indiqué déjà, et nous y reviendrons, que pour notre philosophe l’embryon se forme d’abord aux dépens du blanc. L’œuf devant toujours être fécondé avant la production de l’albumen, et celui-ci ne se formant chez les poissons, qu’après l’imprégnation, il en résulte que le moment de la fécondation pour l’œuf de ces animaux est indifférent, tandis qu’elle doit se faire chez la poule, comme on l’a vu, à un moment précis, c’est-à-dire avant que le vitellus n’ait sécrété l’albumen, indépendamment du contact du fluide mâle. Comme les poissons, les crustacés ont des œufs incomplets. L’existence ou non d’œufs, leur constitution, leur mode de développement ont d’ailleurs, chez les diverses espèces animales, la plus grande importance et sont une des bases sur lesquelles Aristote assoira leur classification (Gen., I, 20)[2].

Les vivipares, qui possèdent un principe plus pur (= un degré supérieur d’organisation) parce qu’ils respirent, produisent à l’intérieur de leur corps un petit vivant. L’homme, le cheval, le chien, tous les animaux couverts de poils sont dans ce cas, et parmi les animaux aquatiques le Dauphin, la Baleine, et les autres cétacés. Mais ce petit provient lui-même d’un œuf. Il vit d’abord aux dépens de la nourriture fournie par cet œuf, puis, quand il l’a épuisée, aux dépens de la matrice à laquelle l’œuf reste adhérent (Gen., II, 45).

Les ovipares proprement dits pondent extérieurement des œufs complets. Ici se rangent les oiseaux et un certain nombre de quadrupèdes (= les reptiles) auxquels il faut joindre la plupart des serpents, car la vipère fait exception.

Les ovovivipares pondent à l’intérieur de leur corps des œufs complets semblables à ceux des ovipares, mais qui achèvent là leur développement. Les Sélaciens, les Vipères sont dans ce cas. Chez ces animaux, la coque de l’œuf est toujours délicate et cette délicatesse est la raison même pour laquelle l’éclosion doit se faire à l’in-

  1. Toutefois ces poissons ne sont pas cités dans l’Histoire des animaux (Voy. le catalogue de MM. Aubert et Wimmer, Aristoteles Thierkunde, 1868).
  2. Voy. plus loin.