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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

avec la mère, si fréquentes. Voici l’explication qu’il propose : le fluide séminal mâle porte en lui, comme on sait, une puissance formatrice (ἡ τοῦ αρρενος κίνησις), qui va incuber en quelque sorte le fluide séminal femelle appelé à fournir les premiers matériaux du nouvel être. Supposons d’abord que les conditions du fluide séminal femelle soient telles que le fluide mâle y puisse exercer sa puissance tout entière, il produira un garçon ayant la ressemblance du père. Mais supposons qu’il trouve certains obstacles à sa pleine activité, alors surviendront des écarts et dans diverses directions : si c’est du côté des organes génitaux on aura une fille, si c’est du côté du visage on aura la ressemblance de la mère et ainsi de suite.

Restent les ressemblances ascendantes et c’est ici qu’il faut admirer la subtilité de notre auteur. L’homme, la femme ne sont pas seulement individus, ils sont espèce. Le mâle, en tant que puissance (liquide séminal mâle), ne représente pas que lui-même, mais toute la série de ses ascendants mâles, c’est-à-dire son espèce. La femelle, en temps que matière (liquide séminal femelle), représente de même son espèce, c’est-à-dire toutes ses ascendantes. Dès lors, qu’il se produise quelque affaiblissement dans la qualité individuelle de l’un ou l’autre fluide, il tendra en vertu de sa qualité spécifique vers le terme le plus proche, qui est ici l’ascendant de même sexe. La puissance motrice inhérente au père envisagé comme individu venant à s’affaiblir, le produit ressemblera au grand-père ; et si elle est encore plus affaiblie, à l’aïeul. De même pour la femme, plus la plasticité de son fluide séminal diminuera, plus il tendra à donner au fruit les traits de la grand’mère, de l’aïeule, etc…

Ce qui est vrai du corps entier, s’applique naturellement à chacune de ses parties. Cette théorie, toute ingénieuse qu’elle est, reste incomplète puisqu’elle limite de part et d’autre à chaque sexe les faits d’atavisme, et ne tient par conséquent aucun compte des cas si fréquents de ressemblance du petit-fils avec le grand-père par la mère. C’est son moindre défaut. Parlant de l’affaiblissement du principe moteur du mâle au contact des principes matériels fournis par la femelle et qu’il doit mettre en œuvre, l’auteur compare ce qui se passe à l’effet de réaction qui use l’outil sur le métal (Gen., IV, 4). Cela ne veut rien dire. Soyons seulement bien persuadés que, dans vingt siècles, beaucoup des explications que nous donnons sur une infinité de phénomènes naturels, n’auront pas besoin de moins d’indulgence.