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rait-elle pas plutôt sa source dans l’être déjà formé et au début de sa formation ? Ce germe-là seul donnera un mâle, qui sera doué de la puissance ou de la chaleur nécessaires pour conduire à une coction parfaite le sang d’où procèdent tous les organes. Il faut donc d’abord qu’il y ait un cœur, c’est seulement ensuite qu’on pourra parler de mâles ou de femelles (Gen., IV, 27), quand se seront constitués les organes des sexes. En d’autres termes, le sexe est indifférent chez l’embryon au début : c’est plus tard quand il aura — en vertu de la puissance qui est en lui — parfait ou simplement ébauché ses organes génitaux, qu’il sera femelle ou mâle. La science moderne n’est pas beaucoup plus avancée qu’Aristote ; nous ignorons si le sexe est imprimé au futur individu dès l’instant de la fécondation, ou s’il résulte des conditions dans lesquelles l’embryon accomplit les phases initiales de son existence. La première hypothèse paraît probable ; mais rien n’a établi jusqu’à ce jour que la seconde fût fausse.

À la théorie de l’origine des sexes se rattache naturellement celle de la ressemblance, qui vient à la suite dans le traité De la Genèse, avec un développement presque disproportionné au reste de l’ouvrage. Si ce qui a trait à l’origine des sexes est peut-être d’Aristote, rien ou presque rien, dans ce qui suit, ne rappelle son génie. Les exemples, les arguments sont de ceux que tout le monde peut invoquer sans être spécialement versé dans les sciences biologiques. D’ailleurs nous ne trouvons plus aucune allusion aux animaux. Le premier médecin venu, un peu instruit, le premier philosophe un peu disert, ont pu écrire ce chapitre. Signalons toutefois avec quelle netteté s’y trouve posé dès l’abord le problème de l’hérédité. L’auteur part de ce principe que la similitude du descendant avec ses ascendants est la règle : dès qu’une dissemblance se produit, c’est que la Nature est sortie de ses voies, c’est un commencement de difformité et de monstruosité (Gen., IV, 36).

Sur cette question des ressemblances comme sur les autres, l’opinion était très partagée. Les uns se rattachant évidemment à la doctrine d’Empédocle admettaient que, dans cette collision des gemmules provenant du père et de la mère, dont nous avons parlé, là où celles du mâle dominent, la ressemblance avec le père en résulte ; de même pour la mère. En cas de puissance égale des gemmules de part et d’autre, il n’y a plus ressemblance avec aucun des procréateurs. Cette opinion n’est pas celle de l’auteur aristotélique ; il répond d’abord que les liquides séminaux ne proviennent pas de toutes les parties du corps, ce qui est conforme à la doctrine du maître, et de plus qu’il serait impossible d’expliquer de la sorte les ressemblances croisées, celle de la fille avec le père, du garçon