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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

prédominance de l’un ou de l’autre des deux fluides séminaux mâle ou femelle. Enfin beaucoup de physiologues au temps d’Aristote soutenaient que les mâles proviennent du côté droit, et les femelles du côté gauche (Gen., III, 114).

Aristote réfute ces divers systèmes. Bien qu’il admette, lui aussi, que le côté droit est plus chaud (voy. tome XVIII, p. 380) et peut par conséquent donner un fluide séminal plus cuit, il demande qu’on prouve tout d’abord que le froid ou le chaud ont une influence spéciale sur la formation des organes génitaux et n’en ont pas sur les autres parties du corps. De plus, il déclare avoir vérifié sur nombre d’animaux terrestres ou aquatiques qui portent leurs petits (Gen., IV, 18), qu’on rencontre aussi bien des embryons mâles à droite de la matrice, c’est-à-dire dans la corne droite de l’utérus, que dans la gauche chez les pluripares. Et c’est encore aux phénomènes de nutrition qu’Aristote va faire remonter la production des sexes. Il s’élève en cela bien au-dessus de ses devanciers, expliquant la différence sexuelle comme nous le faisons encore aujourd’hui. Seulement où nous disons « arrêt de développement », il dit « moindre nutrition ». Les contraires, en tant que sexes, ont donc pour unique raison le plus et le moins : ce sont ses propres expressions. Et de même que pour nous les électricités « dites contraires » correspondent simplement à des différences de quantité, de même pour Aristote, la matrice de la femelle est une sorte de quantité négative relativement aux organes en saillies (ὁ περινεος) du mâle. Chez la femme l’aliment a subi une élaboration moins complète que celle qui a produit les organes du mâle : par manque de chaleur ou autrement la puissance créatrice n’a pas accompli toute son œuvre. Et comme une partie importante de l’organisme ne saurait être modifiée — l’exemple des eunuques le montre — sans que les autres s’en ressentent et soient influencées à leur tour, de là découlent toutes les différences qui distinguent les deux sexes (Gen., IV, 26).

Il reste à la vérité à expliquer la raison de ce plus ou de ce moins qui détermine le sexe. Quelle est-elle ? où la chercher ? d’où vient-elle ? Il y a ici quelque obscurité. Remonte-t-elle aux parents[1] ? Ce serait alors un retour aux idées de Démocrite. Cette impulsion n’au-

  1. Ainsi s’expliquerait que le jeune homme et le vieillard procréent plus de filles que l’homme dans la pleine force de l’âge (Gen., IV, 31) ; parce que, dans les débuts et vers le terme de la virilité, la chaleur est moins grande. Les bergers du temps ne croyaient peut-être plus que le vent féconde les animaux, mais ils croyaient encore les vents chauds favorables à la production des mâles, et en conséquence tournaient leurs brebis vers le nord ou vers le sud pour avoir des chevreaux ou des chevrettes (Gen., IV, 31).