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anatomiques dont Aristote était à coup sûr fort exempt et qu’il faut rejeter sur quelqu’un de ses continuateurs, citons le détail des épreuves par lesquelles on s’assure que la fécondité n’est pas abolie. L’homme sera fécond si le sperme ne surnage pas et tombe au fond de l’eau[1]. Pour la femme, on introduira des suppositoires dans les parties et on verra si l’haleine en prend l’odeur ; ou bien on fera des frictions autour des yeux avec une pommade dont la composition malheureusement ne nous est pas donnée, et on verra si la salive se colore (Gen., II, 123). Si ces effets ne se produisent pas, on en conclura que les conduits sexuels sont bouchés. Les yeux sont en effet les parties de la tête qui ont le plus de rapports avec les organes génitaux, comme le montrent les yeux battus par le plaisir, et la ressemblance du liquide séminal avec la substance de l’encéphale (Gen., II, 124). On croit encore dans beaucoup de campagnes et dans l’Orient, que le sperme provient de l’encéphale par la moelle du dos : écho lointain des anciennes erreurs que nous fait connaître ce passage curieux mais certainement apocryphe de la collection aristotélique.

IX

de l’origine des sexes et des ressemblances.

Le IVe livre du traité De la Genèse débute par une longue dissertation sur l’origine des sexes, sujet dont s’étaient déjà beaucoup occupés les philosophes. C’est un goût bien arrêté de l’esprit humain de s’attacher ainsi de préférence et tout d’abord aux problèmes les plus insolubles. Empédocle, Démocrite pensaient que la différence des sexes est l’œuvre de la matrice. Pour Empédocle, si la matrice est chaude[2] le produit sera mâle, femelle si elle est froide ; et comme ces qualités dépendent de l’époque plus ou moins rapprochée des règles, c’est en définitive le moment où se fait la fécondation qui détermine le sexe. Démocrite admettait que le sexe du produit dépend de la

  1. Le sperme est plus dense que l’eau et ne surnage en aucun cas. La nature d’écume qui lui est attribuée (voy. ci-dessus, p. 179), n’entraînait donc pas la notion d’une densité moindre que l’eau, mais seulement d’une composition intime spéciale.
  2. On a vu la chaleur de la matrice indiquée par Aristote comme une condition favorable à la fécondation, ci-dessus.