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pur du liquide séminal femelle, a pour conséquence une sorte de coagulation (συνιστησις) de ce dernier. Une comparaison donnée aussitôt par Aristote permet de bien préciser sa pensée. La fécondation rappelle ce qui se passe quand on fait cailler le lait. Le lait est le corps, la matière de la coagulation ; mais c’est la présure qui en renferme le principe (Gen., I, 88). Le résultat, le lait caillé est du lait uni à une chaleur vitale (Gen., II, 61). Et cette comparaison vient ici d’autant mieux à point que le lait et le sang des règles sont pour Aristote, comme on le verra plus bas, d’une seule et même nature (Gen., II, 61). De même, dans l’union des sexes la matière du corps de l’embryon est fournie par la femme et la psyché vient de l’homme (Gen., II, 52). Une conséquence de ceci est que le corps procréé tiendra toujours plus de la femelle que du mâle. Cela nous explique comment les animaux qui s’unissent entre espèces différentes, le Loup ou le Renard avec le Chien, la Perdrix avec la Poule donnent naissance à des produits qui, à la longue, retournent à la ressemblance de la mère. Quand on importe des graines étrangères, les plantes se modifient par l’influence du nouveau terroir où elles puisent leur nourriture. De même la femelle en fournissant au jeune l’aliment dont il se développe le modifie dans son sens et le rapproche d’elle (Gen., II, 54, 119).

Voici donc la grave question de l’hérédité soulevée, et en même temps celle de la stérilité dans l’accouplement de certaines espèces. Tel ne serait pas le cas des Faucons, car on en cite plusieurs fort différents qui peuvent s’unir. Pour les poissons qui s’accouplent (= Sélaciens) notre ignorance, dit le philosophe, est complète : on cite bien le Rhinobate qui serait une sorte de mulet de la Rhine (espèce de squale) et du Bakos (la Raie) mais rien n’est moins certain. C’est dans l’Afrique, déjà signalée comme le pays du merveilleux, que le plus grand nombre d’accouplements d’espèces différentes se produisent, surtout au voisinage des rares sources où se pressent les animaux pour étancher leur soif (Gen., II, 119-120).

La stérilité du mulet a beaucoup préoccupé les anciens. Empédocle, Démocrite avaient déjà traité ce sujet qu’Aristote traite à son tour et longuement (Gen., II, 120 et suiv.) Empédocle prétendait que les deux liquides séminaux de l’âne et du cheval n’étant pas de même essence, donnaient par leur mélange un produit trop dur, absolument comme le bronze résultant d’un mélange de cuivre et d’étain, et qu’il ne peut en conséquence se développer jusqu’à l’entière perfection de ses organes. Démocrite professait simplement que les conduits de la matrice chez la mule doivent être oblitérés