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G. POUCHET. — la biologie aristotélique

II, 60). Aussi faut-il, pour qu’il y ait conception, que la matrice soit convenablement chaude (Gen., II, 59), car c’est là seulement que se fait la rencontre, le contact, la coalescence des deux fluides séminaux (Gen., II, 60). Celui de la femme est toujours sécrété en excès, à cause de l’excès d’aliment dont se remplissent les veines de la matrice, et que celle-ci, quoique chaude, n’a pas assez de chaleur pour cuire totalement. Les plus petites veines cèdent sous l’effort de ce superflu, et celui-ci s’écoule comme une sorte d’hémorrhagie (Gen., II, 47) au dehors. Mais une partie en est retenue, qui se concrète dans la matrice après les règles : c’est donc le moment favorable pour la fécondation, car plus tard le museau de tanche se referme. — Cette partie essentielle du fluide séminal femelle que retient ainsi la matrice, existe seule chez les animaux sans menstrues (Gen., II, 56)[1]. Ce qui s’écoule chez les autres, est inutile, comme le sperme impuissant d’une première émission (Gen., II, 55).

Le fluide séminal de la femme, de qualité inférieure comme on vient de dire, n’est qu’une nourriture grossière, comparé à la pure semence de l’homme. Celle-ci crée ; en elle réside le principe de l’âme (ἡ τὴς ψυχῆς ἀρχή. Gen., I, 83)[2] ; elle est plutôt force. Celui-là est plutôt matière. L’homme porte en lui le principe moteur et générateur, la femme le principe matériel (Gen., II 3). Ce sont, comme nous l’avons dit, à peu de chose près les données de la science moderne. Et Aristote prouve qu’il en est bien ainsi par les œufs de poissons, dont ceux-là seulement mûrissent qui ont été arrosés par le liquide séminal du mâle (Gen., II, 95). « On connaît des insectes où, contrairement à la règle, c’est la femelle qui introduit ses organes génitaux dans le corps du mâle. Elle y va précisément chercher cette puissance formatrice que le mâle ne donne plus ici par l’intermédiaire d’un fluide séminal. C’est la Nature qui porte la matière première chez le maître ouvrier (Gen., II, 99). »

Le contact dans la matrice du liquide séminal mâle avec le plus

  1. « Les femelles des quadrupèdes vivipares ont presque toutes des règles intérieures. Il n’y en a qu’un petit nombre chez lesquelles les règles se montrent au dehors (Gen., III, IV). La jument n’en a que très rarement les apparences (Gen., IV, 90). »
  2. Les œufs clairs sont en réalité les règles intérieures des poules (Gen., III, 4). Ils n’ont ni vie, ni psyché, parce qu’elles ne leur ont pas été données par le maie (Gen., II, 40). Voy. ci-dessus, p. 377, note 2, une autre citation relative aux œufs clairs et qui parait en contradiction avec celle-ci. La contradiction toutefois est peut-être plus apparente que récite en raison de la grande élasticité du mot psyche : il signifiait dans le premier cas « état organisé », il parait signifier ici quoique chose rappelant le « nisus formativus » de Geoffroy Saint-Hilaire. Dans les deux cas il s’applique d’ailleurs, comme toujours, à des propriétés d’ordre vital.