Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 19.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
revue philosophique

Néanmoins cette hypothèse mérite qu’on s’y arrête un instant, car elle établit des analogies intéressantes entre les phénomènes de la volition qui nous occupent en ce moment et les phénomènes sensoriels. On sait que la sensation produite par un objet extérieur et l’image de cet objet, qui survit dans le souvenir sont des états de conscience qui se ressemblent sous un grand nombre de rapports ; les physiologistes s’accordent généralement pour localiser la sensation et l’image dans le même point des centres nerveux. Bain dit expressément que l’image occupe les mêmes parties nerveuses et de la même façon que l’impression primitive. Nous avons apporté notre pierre à la construction de cette théorie, dans nos recherches sur la physiologie des hallucinations[1] ; nous avons montré qu’à l’exemple de toute sensation visuelle, l’hallucination visuelle (qui consiste dans une image extériorisée) développe une sensation consécutive de couleur complémentaire ; on peut donc considérer comme démontré que la sensation et l’image ont le même siège cérébral. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour l’exécution d’un acte et la simple volition qui n’est pas suivie d’effet ? Pourquoi ces deux phénomènes n’intéresseraient-ils pas le même centre moteur ? Il semble bien que dans le domaine de la motilité, la volition est à l’exécution ce que dans le domaine sensitif l’image est à la sensation. Qu’on s’arrête un moment à considérer ce rapprochement. Quand une excitation parcourt les nerfs centripètes et arrive au centre sensoriel, il y a sensation. De même, quand une excitation part du centre moteur et chemine le long des nerfs centrifuges, il y a mouvement. Supposons maintenant que l’excitation reste centrale, et ne se répande ni dans les nerfs centripètes ni dans les nerfs centrifuges ; quand c’est le centre sensoriel seul qui est excité, il y a image ; quand c’est le centre moteur seul, il y a volition, sans mouvement. Nous nous contentons d’exposer ces vues à titre hypothétique, espérant qu’elles mettront sur la voie d’une vérité démontrable. Les hypothèses ne sont pas dangereuses quand on ne les donne que pour ce qu’elles sont.

Dans tout ce qui précède, nous avons transféré seulement des effets de suggestion, des impulsions suggérées, des actes suggérés, des résolutions suggérées. Nous allons voir que le domaine du transfert est beaucoup plus large. L’aimant exerce son action spéciale sur des phénomènes spontanés, qui ont non seulement l’appa-

    moteurs corticaux ; et M. François Franck les appelle psycho-moteurs, et même centres volitifs (Dict. encyclopédique des sciences médiques, art. Nerveux, 1884).

  1. Contribution à la théorie physiologique des hallucinations (Revue scientifique, décembre 1884).