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LACHELIER. — les lois psychologiques

motifs, sentiments, ou idées exercent sur elle. M. Wundt répondrait probablement à la première de ces deux questions, qu’il ne peut que faire appel à la conscience de chacun, que son rôle de psychologue n’est pas de définir une énergie que chacun peut saisir immédiatement en lui-même, mais seulement d’en étudier les effets et les lois. La seconde question, celle de l’influence des motifs sur l’activité aperceptive, est certainement plus embarrassante ; l’action déterminante des normes et des sentiments n’est pas en effet très facile à concevoir, et d’autant moins, que cette action n’est pas constante et que la réaction de notre activité est tantôt plus énergique et tantôt moins. M. Wundt pourrait répondre, il est vrai, que toute la difficulté vient de ce que nous persistons à concevoir mécaniquement cette action et cette réaction, qu’elle disparaîtrait si nous renoncions une bonne fois à vouloir appliquer aux faits de notre conscience, les concepts au moyen desquels nous expliquons le monde physique. Mais, malgré tout, il n’en reste pas moins encore une difficulté, qui peut-être est la plus grave du système, c’est celle du rapport que soutiennent, l’une à l’égard de l’autre, l’activité de l’esprit et la nécessité des lois de la nature. Sans doute il est facile de comprendre que le déterminisme absolu qui s’applique aux mouvements de la matière étendue, c’est-à-dire, au contenu de nos représentations, ne domine pas l’activité aperceptive qui reste en dehors de ces représentations, et ne fait pour ainsi dire que les éclairer plus vivement. Nous comprenons donc sans peine la liberté de l’aperception, mais l’aperception influe sur le cours des représentations et des lois. Voici le doute qui reste à dissiper. M. Wundt et ses élèves nous ont appris que, si l’aperception n’annule jamais les lois associatives, elle est pourtant capable de modifier, de diriger l’association. Ainsi l’attention, en se concentrant sur une perception ou représentation, stimule l’association, la rend plus active et plus rapide. Comme d’un autre côté les lois associatives ne sont que l’expression consciente de lois physiologiques, il s’ensuit que l’aperception exerce son influence jusque sur l’organisme, et dès lors on peut se demander comment le déterminisme absolu des phénomènes naturels peut être modifié par l’action d’une force essentiellement spirituelle. La seule réponse possible, et M. Wundt l’a indiquée, c’est que le déterminisme mécanique ne s’applique pas complètement aux phénomènes vitaux, que l’organisme qui, d’un côté, est fonction des forces physico-chimiques, est, d’un autre côté, fonction de l’activité psychique « Les forces psychiques, dit-il[1], réagis-

  1. Cf. Logik. Vol. II, 3e partie, ch.  IV, III, p. 471. In diese Entwicketung