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pour ce motif, croit-elle, qu’elle lui fait des pieds de nez. Remarquons que lorsqu’elle s’arrête, il suffit d’esquisser le geste, pour l’amorcer en quelque sorte, et lui faire reprendre son geste moqueur, ce qui prouve bien la force de l’exemple.

L’expérience qui suit précise le résultat du transfert ; nous allons voir que, dans certaines circonstances, l’acte transféré est symétrique de l’acte suggéré.

Witt… est en somnambulisme. Nous lui suggérons l’idée de faire des chiffres, avec sa main droite, comme de juste. Nous la réveillons ; un aimant est caché à proximité de sa main gauche. Elle écrit jusqu’au nombre douze de la main droite, puis elle hésite, change la plume de main, et commence à écrire de la main gauche. Les chiffres qu’elle a tracés sont correctement écrits en miroir ; chaque chiffre est renversé et toute la série est disposée de gauche à droite ; la malade exécute donc avec la main gauche des mouvements symétriques de ceux qu’elle a tracés avec la main droite. L’aimant a transféré les mouvements de l’écriture des chiffres. Il est à remarquer que pendant qu’elle écrit de la main gauche, il lui est impossible d’écrire de la main droite ; elle est devenue gauchère de la main droite.

Nous avons souvent répété cette expérience ; la malade s’est perfectionnée à mesure, et elle est devenue capable d’écrire avec la main gauche en miroir aussi bien qu’avec la main droite dans le sens naturel.

Le transfert de l’anesthésie spontanée chez les hystériques est suivi de ce que M. Charcot a appelé des oscillations consécutives. Nous avons constaté qu’il existe des oscillations semblables dans le transfert des troubles provoqués. La présence de ce phénomène est facile à démontrer, surtout dans le cas, de l’écriture. Si on retire l’aimant quelque temps après que Wit… a commencé à écrire de la main gauche, elle passe la plume dans la main droite, écrit de la main droite, puis écrit de la main gauche, puis de la main droite, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle finisse par s’arrêter, comme un pendule dont les oscillations se ralentissent. Pour mieux observer ces oscillations, nous prenons la précaution de suggérer à la malade qu’une fois réveillée elle ne verra plus personne dans la salle ; quand elle se réveille, elle se croit seule, se met à écrire et subit l’influence de l’aimant sans qu’aucune cause étrangère vienne la distraire et troubler l’effet de la suggestion.

Nous attirerons l’attention sur le renversement de l’écriture que produit l’aimant. À quoi tient ce phénomène ? À ce que l’aimant a transféré de droite à gauche l’impulsion d’écrire des chiffres, et que