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LACHELIER. — les lois psychologiques

remarquions que le même excitant dans les mêmes circonstances ne produit pas la même perception chez deux personnes différentes. Nous faisons alors pour expliquer ces divergences l’hypothèse que les perceptions sont complétées et précisées par des éléments d’origine subjective, et nous vérifions ensuite cette hypothèse par l’expérience.

3o Complication. — Il s’agit ici d’une association de représentations qui conservent leur indépendance, mais n’en sont pas moins indissolublement liées les unes aux autres, et, pour ainsi dire, inséparables.

La complication n’est plus, comme l’assimilation, une combinaison chimique, c’est un simple mélange. Ainsi nos représentations d’objets sont toujours composées de représentations tactiles et visuelles, auxquelles s’ajoutent souvent des représentations de son, de goût et d’odeur. Dans l’idée que nous avons d’un arbre se trouvent intimement associés mais non confondus : l’idée des qualités tactiles de cet arbre, son image (forme et couleur) et le son du mot arbre.

4o La quatrième forme d’association est l’association successive des représentations, qui est caractérisée par ce fait que les représentations restent isolées et indépendantes, l’une apparaissant à notre esprit au moment où la précédente quitte le point de vision distincte de la conscience. Cette dernière forme d’association est ce qu’on appelle ordinairement l’association des idées.

Nous n’avons parlé ici que des lois passives de l’association, en faisant abstraction de la pensée active, qui, par son intervention, peut créer de nouveaux types d’association. Ces lois sont, sans aucun doute, l’expression de lois physiologiques et méritent, pour cette raison, le nom de lois psychophysiques. Elles ont toutes été déterminées par la méthode expérimentale. Ainsi, c’est par l’expérience qu’on a pu décomposer les représentations visuelles ; par exemple en paralysant un des muscles moteurs de l’œil, on démontre le rôle joué par les sensations musculaires dans l’appréciation visuelle des distances.

Des expériences très faciles à reproduire prouvent de même la loi d’assimilation. Il suffit par exemple de prononcer devant une personne des mots différents, dont les uns lui sont connus, les autres inconnus. On peut encore éclairer, par une série d’étincelles électriques, un dessin inconnu, une gravure par exemple, et l’on remarque que la perception de ce dessin, très confuse aux premières étincelles, devient ensuite de plus en plus distincte. L’impression produite sur la rétine est pourtant exactement la même à chaque étincelle ; mais chaque fois la perception est complétée, précisée, grâce à l’image déjà