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radicalement différentes des lois psychophysiques, les lois logiques, esthétiques et morales. Les lecteurs de la Revue connaissent la méthode psychophysique ; voyons en quoi consistent les lois psychophysiques.

Toute loi psychophysique est une loi d’association ; déjà Herbart avait compris cette vérité et l’on trouve, dans son Lehrbuch der Psychologie, une classification assez complète des lois associatives. L’école psychophysique n’a fait que compléter et préciser les données de Herbart à l’aide des procédés de mesure et d’analyse dont elle dispose ; elle ramène aux quatre types suivants toutes les combinaisons associatives de sensations et de représentations[1].

1o La synthèse associative. — Toute représentation, considérée en elle-même, indépendamment de celles qui la précèdent ou qui la suivent, résulte de l’association, d’un nombre ordinairement presque infini, de sensations simples. Ainsi la représentation d’une façade de maison est composée de milliers de points lumineux que l’esprit perçoit simultanément. Chaque point lumineux, produit par l’excitation d’un cône ou bâtonnet, et d’une fibre du nerf optique, peut être considéré comme une sensation simple. Ordinairement nos représentations visuelles sont plus complexes encore, parce qu’aux sensations lumineuses s’ajoutent des sensations musculaires, venant des petits muscles qui donnent le mouvement à l’œil, sensations qui jouent, comme on sait, un rôle important dans l’appréciation des distances.

2o Assimilation ou association simultanée. — La perception qui résulte de l’excitation actuelle d’un quelconque des organes des sens se combine avec une représentation reproduite par la mémoire. Toute perception tend à réveiller dans la conscience d’anciennes représentations ; ces représentations, en se reproduisant, se combinent toujours en partie avec la nouvelle perception et la modifient plus ou moins. Ainsi, quand j’aperçois de loin une personne que je connais, le souvenir que j’ai de cette personne rend ma perception beaucoup plus précise. Tout le monde sait que nous entendons nettement les paroles d’un chant d’Église que nous connaissons, tandis que nous ne distinguons pas les paroles d’un chant inconnu, alors même que les deux chants sont donnés par la même voix. Ordinairement nous n’avons pas conscience de cette combinaison et nous nous figurons que notre perception nous vient telle qu’elle du dehors. Il faut pour nous détromper des circonstances exceptionnelles ; il faut que nous

  1. Cf. Logique, vol.  I, 1re partie, ch.  I, et vol.  II, 4e partie, ch.  I, III, b ; et Philosophische Studien, vol.  I, nº 2, article de M. Otto Staude.