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A. BINET et CH. FÉRÉ. — l’hypnotisme chez les hystériques

À ce moment, les mouvements de droite commencent à se généralisera ; ils s’étendent au médius, et même au poignet. Nous endormons de nouveau la malade pour détruire le mouvement par suggestion : mais l’injonction ne réussit pas immédiatement ; sous l’influence d’une forte constriction de l’avant-bras, les mouvements s’arrêtent pour reprendre immédiatement après d’une manière plus énergique. À une nouvelle injonction faite pendant la constriction succède une série de mouvements extrêmement énergiques, puis tout cesse subitement.

Ce premier transfert porte sur un mouvement très simple, presque exclusivement automatique ; nous allons voir maintenant le transfert d’un acte, c’est-à-dire d’un phénomène qui se compose non seulement de mouvement, mais de pensées, de raisonnements et de volonté.

Witt… est en état de somnambulisme ; nous plaçons sur une table, à peu de distance, un buste de Gall ; nous suggérons à la malade de faire avec la main gauche des pieds de nez au buste. Un aimant est placé à proximité de la main droite. On réveille la malade ; aussitôt qu’elle voit le buste, elle fait une grimace, et lui adresse un pied de nez de la main gauche ; après trois ou quatre secondes elle recommence nous comptons ainsi une série de quatorze pieds de nez, qui sont tous exécutés de la main gauche. Les derniers mouvements sont atténués, comme atrophiés, le geste est mal dessiné ; elle porte la main à la hauteur de sa bouche, sans ouvrir les doigts. Cependant la main droite commence à trembler légèrement. La main gauche s’arrête. Wit… paraît inquiète, elle tourne la tête d’un côté et d’autre ; elle dit en regardant le buste de Gall : « il est dégoûtant, cet homme. » Elle se gratte l’oreille avec la main droite, puis commence à faire avec la main droite une série de pieds de nez. Ces gestes persistent pendant dix minutes. Elle se rend bien compte que ces gestes sont ridicules ; quand elle s’arrête un instant, il nous suffit d’esquisser un pied de nez au buste pour qu’elle recommence immédiatement. Nous retirons l’aimant, et le transfert s’opère de droite à gauche, avec les mêmes caractères. Nous donnons à la malade un travail pour occuper ses mains ; elle interrompt régulièrement son travail, chaque 3 ou 4 secondes, pour faire son pied de nez. De temps en temps, elle se plaint d’une douleur de tête oscillant d’une région pariétale à l’autre.

Ici, nous avons affaire au transfert d’un acte qui, quoique suggéré, commandé pendant le somnambulisme, n’en a pas moins toutes les apparences d’un acte volontaire et libre. La malade s’explique la raison de son acte ; elle trouve que le buste « est dégoûtant » et c’est