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dans la connaissance, non dans l’être qui est indépendant de tout sujet, de toute idée subjective. Le monde n’est donc pas l’expression immédiate de l’idée, mais l’idée est plutôt introduite par le progrès de la connaissance dans la réalité donnée indépendamment de nous.

Goethe proclame que l’homme est la mesure des choses, ce qui le rapproche de Protagoras et non, comme le croit M. Caro, des anciens Ioniens, de Thalès et d’Héraclite ; l’un et l’autre croient que ce qu’on appelle l’aperception (Ansicht) des choses dépasse la portée de notre connaissance et n’est propre qu’à nous induire en erreur.

Aussi ne peut-on accepter le jugement de Lewes qui le range dans la classe objective des esprits : sans doute il est objectiviste en comparaison de la direction idéalement subjective de son temps, mais il ne l’est pas si l’on tient compte du rôle important qu’il réserve au sujet.


J. Bergmann. Remarques sur le mémoire de Rudolph Lehmann qui traite du rapport de l’Idéalisme transcendental et de l’Idéalisme métaphysique. Lehmann a adressé à Kant et à Fichte un certain nombre d’objections qui lui semblent être des inconséquences dans la philosophie transcendantale. Il a cru néanmoins pouvoir faire disparaître ces inconséquences en limitant les formules kantiennes et en disant : l’espace et le temps sont mes formes d’intuition, les catégories, mes formes de penser. Bergmann ne croit pas que toutes les objections de Lehmann soient valables. Mais il pense qu’un tel scepticisme serait une fin déplorable du mouvement kantien. D’ailleurs supprimer la chose en soi, c’est pour un kantien se contredire. Bergmann signale ensuite l’ambiguïté des mots être en soi (An-sichsein) et apparence (Erscheimung) qui est la source ou l’indication des contradictions que renferme le kantisme. Il renvoie à ses deux ouvrages, Être et Connaître, le Problème fondamental de la logique pour une critique plus complète du kantisme, qu’il examine d’un point de vue platonicien.


E. de Hartmann. La question du pessimisme. L’auteur se propose de répondre à la multitude de brochures et de livres qui ont traité la question du pessimisme, en éclaircissant et en précisant quelques points de sa doctrine. La première partie est employée à déterminer la valeur des preuves sur lesquelles repose le pessimisme. Ce sont les preuves, empiriquepsychologique, morale, religieuse et métaphysique. La preuve empirique est indépendante de toutes les autres, particulièrement de la preuve psychologique et de la preuve métaphysique. Il en est de même de la preuve morale et religieuse. Quant à la preuve psychologique, elle est réellement indépendante de la preuve métaphysique ; mais elle ne l’est qu’en apparence de la preuve empirique. Enfin la preuve métaphysique s’ajoute aux quatres premières pour montrer quelle espèce d’absolu convient au métaphysicien qui les accepte. De là résulte d’abord un pessimisme empirique qui s’applique non seulement à la vie terrestre passée, présente et future, mais encore à la vie sur les autres planètes, dans le système solaire et d’une manière générale au