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l’état du système nerveux central qui dirige la fonction. Ce n’est plus l’organe qui agit sur le cerveau, mais le cerveau sur l’organe. Or, par rapport à l’instinct sexuel, le cerveau de ces hommes est un cerveau de femme et celui des femmes un cerveau d’homme. Aussi bien l’influence, incontestée d’ailleurs, des centres nerveux sur la fonction génitale, est très grande. Témoins les eunuques, dits incomplets, qui conservent, pendant quelques années encore après la castration, leurs appétits vénériens. Quant à l’état psychopathique lui-même, il est explicable à son tour par une affection nerveuse ou mentale dont il dépend manifestement, comme on l’a vu.

Que si l’on demande comment il se fait que tous les circulaires, les dégénérés ou les névropathes ne soient pas atteints de quelque folie génitale, il sera facile de répondre en rappelant ce qui a été déjà dit à propos des impulsifs génésiaques : c’est que, pour qu’il se produise une de ces perversions, il faut une prédisposition organique ou fonctionnelle. Tout homme en effet a quelque point faible dans l’esprit comme dans le corps et il n’y a pas plus d’état absolument normal pour l’un que pour l’autre. Alors la névropathie ou la folie, suivant la ligne de moindre résistance, se traduira par une de ces manifestations sexuelles qui viennent d’être examinées. Et la forme spéciale de la manifestation, qu’on ne l’oublie pas, est le plus souvent déterminée par des causes de peu d’importance, une idée qui se fixe, l’occasion, une circonstance fortuite, etc. : tant il est vrai que les représentations des cérébraux, comme leurs sensations, tous les aliénistes l’ont remarqué, sont extrêmement intenses et très persistantes ! La bestialité par exemple peut ne tenir d’abord qu’à l’occasion, bien des cas très connus le prouvent.

Les formes principales seules dépendent sans doute de conditions fixes : ainsi l’inversion du sens génital est évidemment liée à un état nerveux et psychique très particulier qui se trouve (Charcot et Magnan le montrent à merveille) déterminé par une dégénérescence cérébrale. Ce qui se passe dans la pédérastie peut témoigner de la réalité de ce processus. D’autre part, certaines malformations des organes génitaux produisent, comme dans quelques cas d’hermaphrodisme, une double sexualité, sorte d’intermédiaire entre l’état normal et l’état le plus complètement anormal, c’est-à-dire l’inversion. Seulement, tandis que dans l’hermaphrodisme c’est encore la constitution anatomique qui détermine la sexualité, dans l’inversion c’est l’état nerveux et l’état mental.

Dr E. Gley.