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du moins permis d’essayer, et les considérations qui vont suivre n’ont pas d’autre but.

III. On peut d’abord poser en principe que la sexualité est déterminée par la conformation anatomique, — la chose est évidente. C’est du sexe que dépend l’instinct sexuel. Or, à l’état embryonnaire, le sexe est double, il y a hermaphrodisme. C’est là un fait général, mis hors de doute par les travaux de Waldeyer, de Semper, de Kölliker, de Balbiani, etc., et définitivement acquis à la science embryologique. Waldeyer, le premier, prouva que l’embryon commence par être à la fois mâle et femelle. La démonstration a été étendue par différents histologistes aux diverses classes de vertébrés et jusqu’aux invertébrés. Dans l’espèce humaine ce n’est que vers la fin du deuxième mois de la vie intra-utérine que s’établit la différence sexuelle de la glande génitale[1].

Que maintenant l’on suppose persistant cet hermaphrodisme. Ne s’ensuivra-t-il pas une double direction de l’instinct sexuel ? En d’autres termes, l’être qui présente cette particularité ne pourra-t-il être par les sensations homme et femme tour à tour, comme il l’est à la fois, anatomiquement parlant ? À la vérité, la science ne reconnaît plus de vrais hermaphrodites, c’est-à-dire d’individus pouvant présenter à la fois la glande mâle et la glande femelle (testicule et ovaire). On a cependant conservé, à cause de l’usage, le mot hermafhrodisme, pour désigner ces cas douteux où les organes génitaux ont pris une forme anormale : il s’agit tantôt d’un homme qui offre quelques apparences du sexe féminin, tantôt d’une femme qui offre quelque ressemblance avec l’homme. Malgré ces apparences, dans tous les cas, le sexe est déterminé, et il ne l’est que par la présence soit des testicules, soit des ovaires.

Maïs il n’en reste pas moins que ces anomalies ont une influence générale sur l’organisme et que la direction prise par l’instinct sexuel n’est pas nette. On le conçoit, puisqu’il y a chez les hermaphrodites — j’use du mot — des dispositions organiques propres aux deux sexes. Il a été publié récemment une observation très instructive à cet égard. Il s’agit d’un individu examiné par le Dr E. Magitot et qui fut présenté à la Société d’anthropologie de Paris en 1881. Cette femme, — car cet individu avait été considéré

  1. Voy. G. Balbiani, Leçons sur la génération des vertébrés, O. Doin, Paris, 1879, passim, et particulièrement 2e, 11e, 20e, 23e leçons. — Il ne faut pas confondre cet hermaphrodisme que M. Balbiani a caractérisé par le mot histologique et qui consiste en la réunion des deux sortes d’éléments sexuels dans un même organe, avec l’hermaphrodisme ordinaire ou morphologique, qui résulte de la réunion des organes génitaux des deux sexes sur un même individu.