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REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

Pour Westphal, non seulement il y a là une sorte d’interversion, congénitale, de l’instinct sexuel, « en ce sens qu’une femme est physiquement femme, mais psychiquement homme et un homme au contraire physiquement homme et psychiquement femme[1] », mais ce trouble est lié à un état névropathique héréditaire. Chez la malade dont l’observation a été résumée plus haut existaient des périodes d’excitation et de dépression. Celle de Gock avait des accès mélancoliques. Un malade du Dr Servaes (Archiv. f. Psy. 1876, Zur Kenntniss von der conträrer Sexualempfindung) est manifestement aussi un circulaire, c’est-à-dire un aliéné atteint de la folie à double forme. D’autres fois, c’est la manie ou l’épilepsie qui constitue le fonds pathologique. Le second malade de Westphal est un épileptique à accès fréquents. M. Charcot a observé à la Salpêtrière une maniaque, âgée de trente-trois ans, qui «, à plusieurs reprises et pendant des journées entières, voulait faire, disait-elle, comme l’homme, cherchait à retrousser la robe des surveillantes, les suppliant de cohabiter avec elle ; se montrant, d’autre part, indifférente à l’égard des hommes venus à côté d’elle. » (P. 13.) Westphal et Krafft-Ebing ont d’ailleurs cité aussi des cas de manie et de mélancolie où l’on voyait survenir passagèrement cette perversion de l’instinct sexuel. Enfin Krafft-Ebing, relevant les faits observés jusqu’à lui, note que, treize fois sur dix-sept cas, on a constaté des troubles névro ou psychopathiques. — Quant au malade de Legrand du Saulle et de Vidal dont j’ai rapporté le cas, on ne sait rien de très précis sur son histoire pathologique, M. Legrand du Saulle ne l’ayant vu qu’une seule fois et n’ayant pu poser un diagnostic défini. Il a toutefois appris qu’il était le fils d’une mère hystérique et vu qu’il était affecté de phimosis et de microrrhidie légère.

En résumé, si chez tous ces malades la fonction génitale est pervertie, c’est en raison d’un état névropathique plus ou moins grave. Il existe un trouble du système nerveux, de nature encore indéterminée sans doute au point de vue histologique, mais non pour la clinique, puisque dans tous les cas, on la vu, on sait à quoi s’en tenir sur le fonds pathologique réel, sur la forme de folie dont ce trouble dépend ; et ce désordre donne lieu à une disposition psychique qui affecte l’instinct sexuel ; sous ces deux influences combinées la fonction physiologique se trouve pervertie.

Telle est l’idée pathogénique générale qu’on se forme de l’inversion du sens génésique. Cette donnée cependant ne peut-elle être dans quelque mesure rendue plus précise et l’idée éclaircie ? Il est

  1. Dr A. Ritti, in Gaz. hebdom. de méd. et de chir., janvier 1878.