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REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

la place de la Bourse dans un urinoir abrité, alors qu’un vieillard et lui, à une certaine distance l’un de l’autre, se montraient complaisamment leurs parties sexuelles. »

Et maintenant une explication de ces phénomènes est-elle possible ? Tous les médecins qui ont observé de ces anomalies ont constaté en même temps des troubles graves du système nerveux central. Les malades à qui ils ont eu affaire étaient tous des dégénérés ou des névropathes. Qu’on examine à cet égard le sujet de Charcot et Magnan. On a vu qu’en apparence c’est un homme parfaitement sain, Erreur ; car « tout d’abord les antécédents héréditaires montrent une grande disproportion entre l’âge du père, marié à quarante-neuf ans, et de la mère, qui n’avait que dix-huit ans. Il est vrai que du côté paternel les oncles et les tantes et le père lui-même atteignent un âge avancé sans qu’aucun accident nerveux ait attiré l’attention ; quant aux ascendants maternels, on trouve chez le grand-père un défaut d’équilibre dans la conduite, dans le genre de vie, qui, sans constituer la folie proprement dite, dénote les dispositions maladives que l’on rencontre chez les individus prédisposés aux affections mentales… La mère du grand-père s’était fait remarquer par son excentricité ; très aimable pour les étrangers, elle était dans son intérieur méchante et acariâtre. La mère, de mœurs pures, associant à une religiosité exagérée un goût prononcé pour la toilette, recherchait les choses voyantes, les grandes démonstrations, et particulièrement les cérémonies à grand fracas.

« …De cinq à huit ans, le malade a présenté une propension au vol des mieux accusées ; il prenait, sans aucun remords, à ses camarades et à ses maîtres, des plumes, des crayons, différents objets, qu’il emportait chez lui, mais sans les collectionner…

« Les dispositions nerveuses de notre malade ne se sont pas seulement traduites par des troubles psychiques, des aberrations morales ; il a offert aussi, de très bonne heure, des accidents convulsifs qui, par leurs prodromes, par leur marche et aussi la bénignité des phénomènes consécutifs, ne s’opposant pas à la reprise immédiate du travail, se rattachent à l’hystérie plutôt qu’à l’épilepsie.

« Les crises remontent à l’âge de quinze ans ; d’abord très rares, elles sont devenues plus fréquentes en 1869 et 1870. Elles sont précédées par une excitation cérébrale qui, empêchant le malade de fixer une idée et de s’y arrêter, lui fait dire autre chose que ce qu’il voulait dire. Il a, du reste, conscience de cet état…

« Une disposition d’esprit qui s’exagère parfois après les attaques, c’est le désir de compter et de recompter plusieurs fois de suite les