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Westphal a publié un autre fait tout aussi important. Il s’agit, cette fois, d’un homme de vingt-sept ans, qui, lui aussi, dès l’âge de huit ans, présente la « sexualité contraire ». L’histoire de cet individu qui, comme le malade de Charcot et Magnan, aimait à porter des habits de femme, à faire des ouvrages de femme (de la couture, par exemple), serait trop longue à relater en détail. On doit d’ailleurs voir maintenant, d’une façon suffisamment nette, en quoi consiste cette perversion de l’instinct sexuel.

À ces observations on en pourrait encore ajouter d’autres. Ainsi le Dr Gock a publié (Arch. f. Psych., 1875 ; Beitrag zur Kenniniss der conträrer Sexualempfindung) un cas tout à fait analogue à celui de la fille de Westphal. Les détails de l’observation sont presque identiques. Ce qui suffirait à prouver que la disposition psychique à laquelle correspondent les phénomènes dont il s’agit constitue, une fois que les conditions nécessaires à son origine et à son développement se trouvent réalisées, un état parfaitement déterminé, présentant des caractères constants. La pathologie, même mentale, ne consiste pas en un recueil de faits particuliers ; c’est l’ensemble des lois physiologiques générales, seulement faussées en des points divers de leur application, par suite d’un désordre organique ou d’un trouble fonctionnel qu’on peut toujours découvrir.

Enfin les observations de Krafft-Ebing dans son excellent mémoire sur certaines perversions de l’instinct sexuel (Ueber gewisse Anomalien des Geschlechtstriebs…) sont également analogues à celles dont il vient d’être parlé.

De ces faits on rapprocherait volontiers une observation due à MM. Legrand du Saulle et Vidal (Annales médico-psychol., 1876, p. 446). « Il y a deux mois, dit M. Legrand du Saulle, nous avons examiné, M. le Dr Vidal et moi, un jeune homme de vingt ans, licencié ès lettres, à l’esprit très orné, au caractère froid et morne, aux tendances contemplatives, misanthropiques, haineuses, qui recherchait volontiers la solitude, fuyait le monde et témoignait une répulsion frappante pour la femme en général et pour tout ce qui pouvait trahir une origine, une intervention ou une forme féminines, Il se sentait, au contraire, invinciblement attiré vers l’homme, les images, les tableaux et les statues représentant des nudités masculines ; il possédait des planches d’anatomie consacrées aux organes génitaux de l’homme et aux annexes de la virilité… Il fut appréhendé un jour à

    loi opposent à leurs penchants. Ces réflexions me semblent d’une psychologie très exacte. Car, en définitive, l’état de ces malades est pour eux l’état naturel ; mais les conditions sociales, leur éducation, etc., les empêchent de satisfaire leurs désirs et même les forcent de lutter contre ces désirs.