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ventre. À l’autopsie, on trouva des vers lombrics et deux ulcérations de l’estomac[1].

On ne peut pas davantage considérer les nymphomanes, les satyriasiques, les nécrophiles, comme des « monodélirants ». M. P. Moreau rapporte (p. 404), d’après Négris[2], qu’un homme fort honorable, père de famille, d’une conduite parfaitement régulière, fréquente tout à coup les maisons de prostitution, mène la vie la plus licencieuse et enfin tente de violer deux petites filles. Déclarera-t-on que cet homme est un satyriasique et se trouvera-t-on satisfait d’untel diagnostic ? Or ce malade, amené dans un asile à la suite de sa tentative de viol, fut reconnu pour un paralytique général. Tel autre est un circulaire ou aliéné atteint de la folie à double forme[3] ; tel autre un imbécile ou un de ces dégénérés qu’on range parmi les fous héréditaires. Bref, l’érotisme est une manifestation, souvent passagère d’ailleurs, d’une véritable maladie mentale. C’est un symptôme qui ne constitue pas le fond de la maladie, et le clinicien ne doit pas prendre l’accessoire pour l’essentiel.

L’érotisme cependant n’est-il toujours qu’un symptôme de ce genre et peut-on toujours retrouver l’affection cérébrale ou du système nerveux dont il dépend ? On a vu qu’il est des érotiques, les pédérastes par exemple, chez lesquels une certaine perversion de l’instinct sexuel s’observe seule ; point d’autres troubles. Comment se fait-il, d’autre part, que, chez divers malades, des lésions organiques produisent des illusions de la sensibilité génitale, à la suite desquelles surviennent des désordres psychiques, toutes choses qu’on ne constate pas chez d’autres malades porteurs des mêmes lésions ? Toute femme atteinte d’un cancer au rectum ou à l’utérus n’est pas nécessairement une érotique. Enfin voici un impulsif, c’est-à-dire à la vérité un demi-fou, mais chez lequel l’impulsion est toujours la même, toujours obscène. — Il paraît toutefois qu’on peut ne pas se contenter de dire que ces malades sont des érotiques, comme si un mot constituait une explication. Le processus par lequel ces phénomènes semblent explicables a déjà été signalé plus haut. Il importe de reprendre ici le raisonnement. D’abord il est sûr que les instincts,

  1. Cité par le Dr M. Bra, Manuel des maladies mentales, p. 12.
  2. Négris, De la dynamie ou exaltation fonctionnelle au début de la paralysie générale, mémoire couronné pour le prix Esquirol par la Société médico-psychologique, 1878.
  3. Affection mentale caractérisée par la succession de deux périodes, l’une d’excitation, l’autre de dépression, que sépare un temps souvent considérable, Cette vésanie est très remarquable, au point de vue psychologique, par les perversions du sens moral. Il est bien connu aussi qu’on y observe fréquemment l’interversion du sens génésique, aberration qui sera étudiée plus loin.