Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

blée, c’est-à-dire ceux qui le sont pour cause d’aliénation ou du moins de faiblesse mentales primordiales, et les pédérastes qui le sont par luxure ? Il y a là, ce me semble, deux degrés extrêmes nécessaires pour bien marquer le processus complet du phénomène. Car entre ces deux degrés on observe des intermédiaires dont le plus important certainement, au point de vue psychologique, est caractérisé par cet état mental signalé plus haut où le rapport contre nature, d’abord conscient et même voulu, devient, en passant habitude, une chose naturelle chez un individu donné ; et c’est ainsi qu’il se développe une disposition psychique qui, par réaction sur le physiologique, confine à la folie.

Mais les faits de pédérastie se rencontreront de nouveau dans le cours de cette étude. Ce ne sont ici que des considérations générales qui tendent à ramener dans le domaine déjà exploré de la pathologie mentale et à expliquer par les lois psycho-physiologiques connues des faits en apparence singuliers.

Ces considérations s’appliquent également aux folies variées qu’on a voulu rattacher à la fonction génito-sexuelle. Les aliénistes paraissent encore ici s’être souvent laissé aller à décrire, et, par abus de symptomatologie, ils ont divisé et subdivisé à l’excès les espèces morbides. Pour ne prendre qu’un exemple, est-il vraiment possible de distinguer une folie utéro-ovarienne, comme fait M. P. Moreau, alors que l’anatomie pathologique — et le curieux est que M. P. Moreau le note lui-même avec soin — vient montrer que les troubles psychiques observés dépendent simplement d’illusions de la sensibilité génitale, ces illusions à leur tour tenant à des affections des organes génitaux ? Ainsi on a souvent cité le cas d’une femme qui assurait que le diable lui introduisait ses organes génitaux par le nombril, tandis que l’union maritale avait lieu par la voie ordinaire ; or elle présentait à l’ombilic un trajet fistuleux dû à la perméabilité persistante de l’ouraque (voy. P. Moreau, p. 173). Telle est cette autre femme, observée par M. P. Moreau, qui, atteinte d’un squirrhe volumineux de l’utérus, « se plaint chaque jour que la nuit on lui “enfonce des fers rouges, des pinces, des morceaux de bois dans les parties, dans un but qu’elle n’ose avouer. Elle va même jusqu’a attacher soigneusement sa chemise avec des épingles, se garnit les parties d’une quantité de linges, borde son lit avec la plus grande précaution, pour empêcher les tentatives de viol dont elle est constamment la victime. » (P. Moreau, p. 92.) C’est donc là un processus tout à fait analogue à celui qu’on étudierait chez tel malade qui, prétendant ressentir dans son estomac les mouvements d’un serpent qui lui faisait de cruelles morsures, finit par s’ouvrir le