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REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

gine même de l’obsession est assignable pour deux de ces cas au moins, où des détails caractéristiques ont pu être donnés aux médecins par les malades : ce qui n’arrive pas toujours, soit que le sujet ne se rappelle plus exactement ces faits lointains (la névrose débute toujours dès les premières années), soit que l’importance psychologique de divers détails lui échappe complètement. Dans l’observation IV (p. 30), il est question d’un homme qui ne peut remplir ses devoirs conjugaux qu’en évoquant l’image d’une tête de vieille femme coiffée d’un bonnet de nuit. Or, à l’âge de cinq ans, il voyait se déshabiller une vieille servante, et, quand elle mettait sur sa tête une coiffe de nuit, il se sentait très excité et il avait une érection. Ainsi sur ce terrain préparé naît une obsession qui, par la persistance de la représentation de l’image, deviendra invincible. L’observation V (p. 33) est aussi démonstrative. Le malade, qui présente des signes physiques de dégénérescence et qui déjà a les facultés mal équilibrées, « à quinze ans, aperçoit, flottant au soleil, un tablier qui séchait, éblouissant de blancheur ; il approche, s’en empare, serre les cordons autour de sa taille et s’éloigne pour aller se masturber derrière une haie. » Depuis, il est invinciblement attiré par les tabliers : il en vole, il est condamné, mais recommence. Bref, l’histoire est lamentable. Là aussi, on voit naître l’obsession : c’est l’occasion qui lui donne sa forme. Il y a toutefois, à ce propos, une remarque à faire de portée assez générale. C’est une chose bien connue que la vue du linge blanc, jupons, pantalons, etc., en un mot de ce que l’on appelle dans le langage de « la vie galante » les dessous d’une femme, excite vivement l’imagination des hommes un peu portés vers les plaisirs sexuels ; cette vue suffit même quelquefois chez des hommes très sains d’esprit à amener l’érection. S’il en est ainsi communément, quelle influence ne prendra pas ce phénomène sur la fonction génitale chez un dégénéré ou un névropathe à tendances sensuelles ? Il pourra même arriver que la vue de tout objet blanc, fût-ce un mur, produise l’érection ; cependant celle-ci continuera avoir lieu plus spécialement, cela est évident, quand il s’agira d’un linge flottant. C’est justement ce que montre une observation du Dr Lombroso, qui a été analysée dans la Revue philosophique du mois de juin dernier (p. 687).

Ne comprend-on pas maintenant qu’il est naturel et très simple que, si l’obsession a l’homme pour objet, le malade arrive à la pédérastie ? Le sujet de Charcot et Magnan dont il sera longuement question plus loin n’a pas été jusque-là ; mais d’autres y sont allés, car il faut bien que les mêmes conditions donnent lieu aux mêmes phénomènes.

Parmi les intelligences anomales, M. P. Moreau range aussi les