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REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

parmi les huit sujets étudiés par M. Lasègue, on trouve des déments séniles, un paralytique général, un épileptique.

Dès lors, ne peut-on comprendre le développement du phénomène ? D’abord, au point de vue psychique, on constate simplement un trouble de la volonté : l’individu dans l’esprit duquel apparaît cette idée fixe d’exhibition est incapable de la chasser ou même de l’affaiblir ; aussi l’idée passe-t-elle à l’acte, puisque naturellement toute idée tend à s’accompagner d’un mouvement. On a là un bel exemple de ce que M. Ribot étudiait récemment sous le nom d’impulsions irrésistibles. Reste à expliquer, il est vrai, l’impulsion elle-même et sa forme singulière. Mais ne sait-on pas qu’il existe dans tout organisme ce qu’on appelle des lieux de moindre résistance ? Ainsi la tuberculose s’attaque, suivant les individus, à tel organe plutôt qu’à tel autre, poumon, cerveau ou testicule. D’une façon très générale, c’est à cette idée, encore qu’exprimée sous une autre forme, que se ramènent en définitive l’antique conception médicale des idiosyncrasies où prédispositions individuelles et celle des quatre tempéraments (sanguin, lymphatique, bilieux, nerveux). Il en est de même pour l’esprit ; la chose est bien connue, à tel point qu’on dit vulgairement d’un individu qu’il a un « faible » pour ceci ou pour cela. Le mot « faible » ne veut rien dire, ou il signifie en réalité, pour parler scientifiquement, que certaines sensations se produisent plus facilement. Ici, le psychologique est dans la relation la plus étroite avec le physiologique. La constitution intime d’un organe, l’état nerveux qui y correspond et l’état psychique qui résulte de l’état nerveux sont dans un mutuel et intime rapport : d’où suit une réciprocité d’influence. Ainsi tel homme aime les plaisirs de la table ; tel autre a « un faible pour les femmes », — l’expression est très exacte dans sa vulgarité. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il existe des génésiaques, c’est-à-dire des hommes très portés vers les jouissances sexuelles, de même qu’il existe des hommes d’étude et des hommes d’affaires. En vertu de la prédisposition, il y a des sensations qui surviennent très vite et très aisément : c’est qu’elles suivent une ligne de moindre résistance.

Ces réflexions n’offrent-elles pas un intérêt général ? réflexions nécessaires d’ailleurs au début d’une étude sur l’érotisme et qui seront applicables plus loin aussi bien qu’ici, à retenir en particulier pour ce que j’aurai occasion de dire sur la pédérastie. — Mais il convient encore, pour expliquer la forme de l’impulsion dont il s’agit, de présenter une autre remarque, non moins importante.

On sait qu’il suffit chez les aliénés de la plus légère incitation pour les pousser à un acte ou grotesque ou criminel. Leurs associations