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REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

tomique spéciale, état organique particulier, liée à un état nerveux et mental approprié, peu complexe (quelques mouvements simples dans l’ordre physiologique, quelques associations et représentations simples dans l’ordre psychologique). Dans toutes les espèces animales, cela suffit pour qu’il se forme une adaptation très forte entre la constitution anatomique et l’état nerveux et les sentiments correspondants. Néanmoins les faits pathologiques montrent que cet instinct n’est pas une entité toute-puissante, mais un état composé plus ou moins instable. Que l’un de ses éléments subisse quelque altération, et l’instinct lui-même dévie de sa direction, que l’on supposait infaillible. Est-ce la constitution anatomique qui a reçu quelque atteinte ? on verra, par exemple, des faits analogues à ceux qui seront étudiés sous le nom d’hermaphrodisme. Sont-ce les sentiments et les idées ? on observera les pédérastes et les tribades. Est-ce l’état nerveux (disposition cérébrale appropriée) qui est troublé ? alors se développera la sexualité contraire.

Il importe maintenant d’exposer les faits avec assez de détails pour qu’on en puisse aisément saisir le développement.

Une conclusion parait sortir d’abord de la connaissance même superficielle des troubles sexuels dans leur rapport avec la folie. Puisque les perversions les plus diverses de l’instinct génésique se rencontrent dans presque toutes les formes de folie, elles ne peuvent en constituer une forme spéciale. Et cependant certains auteurs, préoccupés, peut-être à leur insu, par la nosologie, ont fait de ces perversions des affections particulières sous le nom de folies génitales.

Le livre de M. Paul Moreau (de Tours) a été écrit dans cet esprit[1]. M. Paul Moreau estime que l’ensemble des faits qui sont l’objet de son travail l’autorise à accepter comme démontrée l’existence psychique d’un sixième sens, le sens génital. Les anatomo-pathologistes hésiteront à en reconnaître l’existence physiologique, encore que M. Paul Moreau reproduise avec complaisance l’opinion de Gall sur le développement du cervelet chez les hommes très portés à l’amour physique. Ceci suffit à montrer quelle idée semble avoir inspiré l’auteur de l’ouvrage en question : comme il existe un sens spécial

  1. Avant de rapporter les observations véritablement cliniques sur lesquelles il appuie ses théories, M. P. Moreau a cru devoir consacrer une soixantaine de pages à une sorte d’historique qui a trait à la dépravation et aux débauches des empereurs romains et de leurs familles, et de quelques souverains des temps modernes, Louis XV, la czarine Elisabeth, d’autres encore, à côté desquels viennent aussi figurer le comte de Charolais, le marquis de Sade, etc. Ces études de médecine rétrospective pourraient offrir un réel intérêt, si elles reposaient toujours sur une critique historique sévère.