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REVUE GÉNÉRALE. — gley. Les aberrations de l’instinct sexuel

puberté, la menstruation, la grossesse, s’accompagnent souvent de troubles graves dans les sentiments et les idées liés à la fonction génitale. On sait qu’à l’état normal il se produit, à l’époque de la puberté, chez le jeune homme et chez la jeune fille, des changements psychiques notables, assez connus d’ailleurs pour qu’il soit inutile de les rappeler, et en rapport avec certaines modifications anatomiques. Il importe toutefois de remarquer, c’est une observation qui sera mise à profit plus loin, que ces changements psychiques sont justement sous la dépendance des phénomènes anatomo-physiologiques. « Pour l’homme comme pour la femme, dit excellemment Longet, des idées nouvelles naissent à mesure que des organes nouveaux se développent, que des fonctions nouvelles s’établissent. » Mais ces changements dans le caractère des adolescents deviennent quelquefois de véritables désordres, et l’on voit éclater tantôt un délire de forme maniaque, tantôt un délire mélancolique (hébéphrénie). Chez beaucoup de femmes, au moment de leurs règles, il y a une sensibilité excessive et souvent même une perversion des sentiments, à ce point qu’un caractère normalement doux et gai devient mauvais et triste et que parfois cette tristesse va jusqu’à l’hypocondrie ; les accès de manie aiguë ne sont pas rares ; ou bien c’est la mélancolie avec hallucinations que l’on observe. Et dans ces divers cas il y a prédominance des idées érotiques. Il en est de même pendant la grossesse, pendant l’accouchement ou durant l’état puerpéral. La manie puerpérale, la forme la plus fréquente de la folie puerpérale, diffère particulièrement de la manie ordinaire par le caractère érotique, obscène, du délire.

On pourrait donc écrire un livre considérable sur la place de l’érotisme dans la folie, à prendre ce mot érotisme dans un sens tout scientifique et très général. Ce livre, aussi bien, est presque fait, mais les chapitres en sont épars dans des monographies, dans des thèses, dans la foule des recueils médicaux. Il faudrait réunir ces matériaux, les grouper et les classer, et soumettre le tout à une critique pénétrante. Car n’a-t-on pas enfin compris que la Connaissance d’une maladie ou d’un désordre fonctionnel consiste moins dans l’énumération que dans la signification de symptômes divers ? Cela veut dire qu’il importe de fixer la valeur de chacun de ces symptômes ; et on ne peut arriver à cette détermination que si l’on a saisi le mécanisme, et par ce mot on entend l’origine et tout le développement, la genèse complète, des troubles qu’on étudie. Ainsi on voit le sens de ces troubles et par suite leur importance clinique. Or, sans une science physiologique précise et étendue, comment faire ce travail d’analyse ? De là vient que la physiologie