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l’État ; dans le domaine des actes, l’État fait appel à la légalité et à la justice, l’Église, à l’amour et à la pitié, l’État punit les crimes, l’Église les prévient. L’État ne pense qu’à ses membres, l’Église s’occupe de l’humanité tout entière, L’État peut, dans certains cas, faire appel à l’Église ; l’Église, pour acquérir de la force et de l’influence, peut chercher à s’organiser hiérarchiquement comme l’État et même recevoir des lui une solde. Mais si l’État peut gagner à cette confusion des deux pouvoirs, l’Église ne peut que perdre. L’État payera les professeurs et même les ecclésiastiques comme ses fonctionnaires, parce qu’ils l’aideront dans sa tâche en prévenant les crimes par les idées morales qu’ils répandront chez ses membres.

En cas de conflit, la décision devrait appartenir à l’Église qui occupe un rang plus élevé au point de vue de la civilisation ; mais l’État peut faire appel à la force, et il le doit quand il a devant lui une église dégénérée dont il paye les membres, et qui, se mêlant aux luttes des partis et des peuples, ne pourrait triompher sans danger, surtout lorsqu’elle prépare par ses dogmes et son organisation des obstacles au développement de la civilisation. Il ne faut pas toutefois que l’État aille trop loin dans cette voie et veuille se substituer complètement à l’Église, c’est une illusion de chercher à faire de l’État avec son fisc, ses règlements, sa police, son armée, etc., un être moral, à lui imposer des fonctions purement pédagogiques ou scientifiques, à lui donner le soin des malades et des pauvres.

La situation présente de l’État et de l’Église est très inquiétante pour les progrès de la civilisation. Cela est surtout vrai de l’Église, qui n’a pas d’opposition pour la surveiller et qui ne cherche pas à travailler au développement de la civilisation. Il serait donc à souhaiter, qu’en dehors de toute préoccupation politique ou religieuse, il se formât une association entre tous ceux qui sont adonnés à la libre recherche, à l’enseignement moral, qui veulent combattre le vice et le crime, et prennent pour guides la charité et l’amour chrétien. Une telle association, devenue personne juridique, aurait le droit d’étendre son influence, elle agirait sur ceux qui lui sont étrangers par l’exemple, les entretiens journaliers, l’enseignement, la prédication et la presse ; ses membres devraient se soumettre aux instructions des pasteurs suprêmes choisis par eux, et ceux-ci pourraient prononcer l’exclusion des membres, qui seraient devenus indignes ou qui se seraient écartés du but de l’association, après leur avoir adressé des remontrances et pris l’avis des synodes auxquels ils auraient fait connaître les faits.

F. Staudinger. Détermination de la notion d’expérience (fin). — F. Staudinger dirige contre la conception kantienne de l’expérience un certain nombre d’objections. Kant a donné au mot expérience (Erfahrung) deux sens différents ; en distinguant les jugements de perception et les jugements d’expérience, ii n’a pas vu que l’expérience n’est pas terminée, dès qu’une chose a passé par les formes de la sensibilité et les catégories de l’entendement, il à enfin confondu la théorie de la