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des animaux n’observe-t-on pas plutôt la prépondérance en nombre des cellules somatiques sur les cellules propagatrices et l’indépendance pour ainsi dire absolue de celles-là à l’égard de celles-ci ? Si les orthonectides sacrifient leur corps à leur progéniture, est-ce une raison pour que tous les organismes en fassent autant. Et puis est-il bien sûr que ces formes parasitaires servent de type aux autres polyplastides ? Elles n’ont pas d’estomac !

Si la propagation était cause directe de mort, elle devrait toujours agir de la même façon, or rien de plus varié que les phénomènes par lesquels elle produit la mort quand elle la produit ; tantôt c’est par inanition, tantôt par blessure, tantôt par choc nerveux, It n’y a donc pas entre ces deux phénomènes un lien causal.

La mort apparaît avec les êtres pluricellulaires ; mais ce n’est pas en vertu d’une nécessité interne, mais par motifs de convenance où d’accommodation, sinon les cellules elles-mêmes devraient être sujettes à mourir naturellement.

Weismann reproduit ici ses vues antérieures auxquelles il s’attache plus que jamais. Il n’avait pas précédemment expliqué en détail pourquoi, en vertu de la sélection, les cellules somatiques sont mortelles, il va essayer aujourd’hui de le faire,

Que la sélection ne puisse faire du nouveau, c’est selon comme on l’entend. Dans les premiers êtres, il n’y avait ni os, ni muscles, ni ailes, ni jambes, bien qu’ils eussent la faculté, non l’obligation d’acquérir tout cela un jour.

Comment l’immortel peut-il devenir insensiblement mortel ? La question n’aurait pas de réponse si le descendant devait toujours être de la même espèce que l’ascendant. Mais ici c’est une moitié après partage qui devient mortelle, l’autre moitié restant immortelle, Et voyez ! la mortalité est dévolue aux cellules qui accomplissent des fonctions définies, comme si c’était le prix de l’exaltation de leur puissance. Mais il n’y a en cela aucune nécessité interne ; l’immortalité des cellules somatiques était dans les choses possibles, seulement elle eût été une véritable pur luxe.

Quel est cependant l’avantage de ce procès sélectif ? Impossible de répondre d’une façon précise à la question : est-ce meilleur fonctionnement ? est-ce augmentation de force et de matière ? Les métazoaires inférieurs, d’ailleurs peu nombreux, nous sont vraiment trop peu connus pour qu’on se hasarde à jeter un regard dans les mystères de leur organisation, Même embarras à l’égard de la transmission de la mortalité, Götte dit que la mort naturelle est héréditaire : C’est comme si ; parce que les parents seraient morts de faim à un certain âge ; les enfants devaient aussi mourir de faim au même âge. Non ! il faut bien admettre que la caducité des cellules somatiques est une convenance :

Cette caducité fut dans le début peu apparente. Mais à mesure que le nombre de ces cellules s’accrut, le cadavre devint de plus en plus considérable, au point qu’actuellement l’individu nous semble mourir tout