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qui se propagent par simple division. Il est évident qu’on ne peut pas assimiler la division à la mort, puisqu’il n’y a pas de cadavre. La mort est un privilège des protozoaires chez qui, par suite de la séparation des fonctions, on trouve des cellules propagatrices et des cellules somatiques. Celles-ci, n’ayant qu’une force de production limitée, sont exposées à toutes sortes d’accidents dont les conséquences ne sont que trop souvent irréparables.

M. Götte n’admet pas cette explication de la mort. Le principe de l’utilité, dit-il, ne peut rien créer de nouveau, n’explique pas l’origine de la mort et ne nous fait pas saisir la raison de sa nécessité.

Il faudrait définir la mort, et ce n’est pas chose facile, parce qu’on ne voit pas le moment précis de la mort. La vie des parties continue pendant que l’unité du tout est détruite. Ce mot, comme celui de vie, a donc deux sens, suivant qu’il s’applique aux éléments vivants ou à un organisme composé de parties différenciées unies en vue d’un but commun. Dans ce dernier cas, la mort est un arrêt de la vie générale qui se manifeste quand les cellules cessent de travailler pour le tout.

Où donc est l’origine de la mort ? Les études remarquables faites sur les orthonectides par M. Julin, assistant du cours de zoologie à l’université de Liège[1], renferment, suivant M. Götte, la réponse à cette question. Les orthonectides semblent se développer uniquement en vue de la procréation. L’animal se compose simplement d’un entoderme et d’un ectoderme. Quand il est adulte, l’entoderme se transforme entièrement en œufs ou en spermatozoïdes, et l’ectoderme est réduit au simple rôle d’un sac qui, à un certain moment, s’ouvrira pour laisser échapper la féconde semence.

À ce moment aussi les orthonectides meurent. Chez les métazoaires de même genre (polyplastides}, ia mort est donc une conséquence nécessaire de la procréation.

En serait-il de même chez les monoplastides ? Ici surtout M. Götte se sépare de Weismann. Puisque le mode de génération par germes existe chez les métazoaires les plus élémentaires comme les orthonectides, il a dû être hérité des protozoaires. Ainsi dans les homoplastides, qui servent de transition entre les monoplastides et les hétéroplastides, et dont le corps se compose de parties identiques, celles-ci se séparent, et reproduisent, chacune un composé semblable à celui dont elles proviennent, après avoir passé par une période d’enkystement préliminaire à un rajeunissement. La seule différence entre ces deux espèces de propagations, c’est que chez les homoplastides ce qui se transforme en germes, c’est tout le corps maternel, tandis que chez les hétéroplastides, ce n’en est qu’une partie.

La mort naturelle n’est donc pas, comme le pense Weismann, une disposition acquise, et propre seulement aux organismes différenciés,

  1. Contribution à l’histoire des Mesozoaires. Recherches sur l’organisation et le développement embryonnaire des Orthonectides (Archives de Biologie, vol.  III, 1882).