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ANALYSES.muhry. Kritik und kurze Darlegung, etc.

On retrouve ici le procédé de M. Janet concluant, sur l’analogie de l’esprit de l’homme à l’esprit de la nature, non plus seulement des effets aux effets, mais des causes aux causes. Cependant, objecteront les plus rebelles, monisme et dyoïsme n’ont plus de sens, dès qu’on écarte la notion de substance pour s’en tenir aux phénomènes. Invincible sur le principe de la finalité, la démonstration de M. Janet, avouait jadis M. Vacherot, ne s’impose pas avec la même force sur la nature (immanente ou transcendante) et l’action de la cause finale, et le point solide du Dr Mühry comme de M. Janet resterait le dilemme traduit par M. Vacherot sous cette forme : « Entre l’incroyable coup de dés qui a improvisé cet ordre, dont on ne s’explique pas plus la conservation que la création, et la cause finale opérant partout et toujours, il faut choisir. » Mais vraiment, je n’ai pas à choisir, puisque ma logique attache spontanément l’effet à la cause, et je ne vois pas bien la portée du dilemme, parce que les états relatifs que représentent ces notions indéfinies de hasard, de cause finale, nous laissent en somme dans notre nécessaire position méthodique, qui reste toujours à constater et concevoir des uniformités naturelles de succession et de coexistence. Il est donc à présumer, lorsque nous aurons objectivé le « principe d’ordre » et introduit dans la science un nouveau problème sous le nom de finalité, que nous n’en apprendrons rien de plus sur l’ordre de l’univers.

Voyons, en effet, le dyoïsme finaliste à ses conséquences.

4o Conséquences du dyoïsme finaliste dans la théorie et dans la pratique. — En biologie, l’auteur s’appuie des faits ordinaires pour limiter étroitement le champ de variabilité des espèces. Du reste il écarte le problème de l’origine de la vie et des espèces sur notre globe, et il lu semble possible, probable, que les comètes transportent des germes vivants d’un système solaire à l’autre (note 3, sch.).

En psychologie, il sépare profondément l’esprit de l’instinct qui lui est sous-jacent. Les trois facultés fondamentales sont la sensation, l’idéation, la volition. Notre procès logique, qui est lié à la logique de l’univers, nous fournit le jugement et le but, et l’association mécanique des idées collabore simplement au jugement. L’instinct sert à l’organisme, l’esprit est servi par l’organisme. Les sentiments animaux comprennent tout le domaine de la passion, les sentiments « hominels », dégagés du but immédiat de la conservation personnelle, peuvent se partager en intellectifs, éthiques et esthétiques, etc. Ainsi est coupée en deux la chaîne des sentiments, et l’auteur, considérant les extrêmes, force partout les oppositions et méconnaît toute continuité (§ 9).

Dans l’éthique, c’est l’instinct qui engendre le mal, aussitôt qu’il entre en opposition avec la raison. Le sentiment du droit est inné ; le propre de l’esprit libre est de créer ses motifs. La religion (et la doctrine chrétienne est la forme de religion la plus parfaite) naît de notre dépendance envers une volonté supérieure, du sentiment de notre autonomie morale et du besoin d’espérance qui est en notre âme. C’est la raison qui oblige, — en vertu d’une démonstration, disait M. Littré,