Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/683

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
679
ANALYSES.muhry. Kritik und kurze Darlegung, etc.

dès le jour où elle se montre, et rien ne légitime à ses yeux la distinction qu’on fait de races supérieures et de races inférieures. Il est vrai seulement, les aptitudes de tous les hommes étant virtuellement les mêmes, qu’elles n’arrivent pas toutes et à la fois à leur entier développement, soit chez les individus, soit dans les sociétés (§ 7).

Si l’esprit de l’homme se donne son propre but, pourrait-on observer et il n’est pas douteux que l’intelligence est un facteur de premier ordre puisqu’elle promeut des idéals successifs), il n’est pas vrai qu’il le tire de soi, et il ne se trouve pas soustrait aux lois de la conservation de l’espèce qui dominent l’animal. L’adaptation d’une société d’hommes à son milieu est un phénomène plus compliqué, et qui met en jeu d’autres énergies que l’accommodation de tel organisme inférieur : voilà tout. Si, d’autre part, l’homme historique demeure, à quelques égards, le même, il se trahit chez l’auteur une tendance non moins exagérée à accuser certaines lignes frontières que chez ses adversaires quelquefois à les effacer, et j’aurai l’occasion de signaler de nouveau cette tendance toute particulière de sa philosophie. Passons tout de suite à l’énoncé des cas où se manifeste, selon lui, l’indépendance de l’esprit, en tant que substance, vis-à-vis des appareils physiologiques.

1o Hemsterhuys a déjà fait remarquer, au siècle dernier, que nul mécanisme ne jouit du pouvoir de changer de place et que la cause du mouvement (dans la montre même) reste étrangère au mécanisme ; les causes sont antécédentes pour les mouvements du corps, finales pour les impulsions de l’esprit, et l’action de l’esprit est une véritable « action à distance », qui n’exige pas l’hypothèse d’un éther impondérable ; 2o la pensée, la résolution à l’action se maintiennent dans les douleurs corporelles ; au circulus des états organiques ne correspond pas un circulus exactement parallèle des états de l’âme ; 3o l’hérédité est physique, non spirituelle ; on n’hérite point les connaissances, les idées, ni même le langage ; 4o l’intelligence n’est pas en rapport avec la masse du corps, et une fourmi est plus intelligente qu’un mouton ; 5o l’amplitude des qualités psychiques qui permet le génie ne se retrouve point dans les proportions physiques ; 6o le singe est le plus semblable à l’homme physiquement, il diffère de lui psychiquement plus que d’autres animaux ; 7o avec les différences individuelles de penser, la même loi logique persiste ; 8o les mouvements des muscles sont convertibles en chaleur, les mouvements de l’âme ne le sont point, et la volonté n’est pas soumise à la grande loi de la conservation de l’énergie, qui régit même la gravitation universelle (§ 8).

Le Dr Mühry n’ignore pas le livre de M. Ribot, il n’ignore pas les recherches de M. Galton, et il tient comme non avenu que les aptitudes de l’homme sont héréditaires sous les mêmes conditions que les traits physiques. Il paraît oublier que, si le singe est proche de l’homme, le cerveau de l’homme demeure environ trois fois plus gros que celui de l’anthropoïde. Il admire qu’une petite bête fasse preuve de plus d’intelligence qu’une grosse bête : est-ce donc que les personnes munies de longs