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que Schopenhauer a beaucoup emprunté, pour constituer sa philosophie de la volonté, à Kant, à Fichte, à Schelling et à Hégel. M. Janet, qui avait déjà cité, en 1868, Schopenhauer dans un article de la Revue littéraire, lui a consacré, en 1877, dans la Revue des Deux-Mondes, un premier article où il a étudié surtout le personnage et, en 1880, un second article où il a mis en lumière les origines françaises de sa philosophie et montré que si le premier livre du grand ouvrage de Schopenhauer vient de Kant, le second vient en grande partie de Cabanis et de Bichat, En 1878, M. Caro, dans un livre qu’a analysé la Revue philosophique, exposait et combattait le pessimisme de Schopenhauer. Aussi M. Bourdeau, dans la notice qu’il a mise, en 1880, en tête de sa traduction des Pensées, maximes et fragments, prévenait-il qu’il n’avait plus à faire connaître le métaphysicien pessimiste, déjà connu et suffisamment étudié chez nous.

Des travaux français sur Schopenhauer que nous sommes loin d’avoir tous énumérés[1], M. Ducros ne cite que ceux de M. Janet. Il semble que, dans un travail historique, il eût été juste de citer sinon tous ceux qui ont essayé de faire connaître Schopenhauer, au moins ceux qui ont signalé déjà le point de vue auquel s’est placé M. Ducros. Ajoutons qu’en le faisant, il eût du même coup fait mieux ressortir l’originalité de son travail qui a pour but spécial de mettre en lumière ce qu’avaient simplement indiqué la plupart des auteurs que nous avons cités. L’analyse du grand ouvrage de Schopenhauer qu’il à faite à ce point de vue spécial peut encore nous apprendre quelque chose sur Schopenhauer après celles de MM. Dumont, Ribot et Charles. Il en est de même du chapitre consacré à Kant. L’auteur eût pu peut-être mieux choisir les passages par lesquels il établit qu’il y a en germe dans Kant un système idéaliste et un système réaliste ; il eût dû mettre à profit et peut-être même critiquer sur quelques points les curieux travaux de Benno Erdmann sur les deux éditions de la Critique de la Raison pure[2]. Avant de passer à Fichte, il semble qu’il eût été bon, pour faire comprendre la transformation que Fichte a fait subir au kantisme, de dire quelques mots des sceptiques, de Maimon et de Schulze, le maître de Schopenhauer, et du réaliste Reinhold qui avaient rendu cette transformation nécessaire par la direction opposée qu’ils avaient voulu imprimer au kantisme. Il serait à désirer aussi que M. Ducros eût indiqué ce qu’ont pensé des rapports de Kant et de Fichte les écrivains français et allemands qui se sont occupés de cette question, et qu’il eût montré d’une façon précise ce qu’il ajoutait à leurs recherches. Nous en dirons tout autant du chapitre qui traite de Schelling. Le livre de M. Hartmann n’est même pas cité, et l’auteur ne semble connaître que de seconde

  1. Il conviendrait encore de citer MM. Franck (Journal des Débats) ; Fr, Morin (Revue de Paris) ; Ch. Bénard (Philosophie allemande) dans le Dictionnaire philosophique ; Weill (Revue française) ; Fr. Bouillier (Du plaisir et de la douleur ; Hartmann (Revue philosophique, 1876) ; Renouvier (Critique philosophique, etc.)
  2. Revue philosophique, août et septembre 1881.