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ANALYSES.ch. richet. L’homme et l’intelligence.

très développés, que la douleur est constituée par un ébranlement du système nerveux sensitif et de la conscience qui persiste bien plus longtemps que la cause qui l’a produit. Deux faits entre autres et qu’il a bien démontrés ont conduit M. Richet à ces conclusions : le premier, c’est la durée nécessaire à l’excitation, le temps perdu entre l’excitation et la perception de la douleur, et le second, c’est la persistance de l’excitation.

Le dégoût est, comme la douleur, d’après M. Ch. Richet, une fonction intellectuelle. N’en a-t-on pas une preuve dans ce simple fait d’observation que le goût et le dégoût deviennent plus affinés, à mesure que l’intelligence se développe, que la civilisation progresse ? Quant aux lois que l’auteur à données du dégoût, il ne semble pas qu’on puisse les contester. Il pose un double loi, la loi de « la nocivité et de l’inutilité. » On a, dit-il, de la répulsion pour ce qui est dangereux et inutile. C’est le sentiment qu’on éprouve à la vue des matières putréfiées ou à la vue des animaux venimeux et malfaisants.

Toutes ces recherches, on le remarque aisément, ont été entreprises et menées à bonne fin à l’aide des données de la physiologie et de la pathologie. M. Richet a fait en psychologie un emploi fécond de la pathologie. C’est cette science qui l’a guidé dans ses observations sur les hystériques et dans son étude historique sur les démonomanes. C’est elle qui, dans ses belles recherches sur le somnambulisme, lui a donné une analyse naturelle des phénomènes psychiques. Rien d’étonnant à cela. M. Richet croit avec raison que la pathologie et la physiologie ne diffèrent pas essentiellement. En tête de la plupart de ses études sur le cerveau et sur l’intelligence on pourrait inscrire le mot de C. Bernard, qu’un organe sain et un organe malade ne fonctionnent pas différemment. — D’autre part, il est difficile de faire de bonne psychologie, c’est-à-dire une psychologie complète et par conséquent absolument exacte, sans connaissances physiologiques. La trame des phénomènes psychologiques n’est pas continue ; elle s’interrompt souvent et on voit s’insérer des phénomènes physiologiques. Le champ de l’esprit n’est pas limité par la sphère de la conscience, puisque beaucoup de processus mentaux sont inconscients et jouent cependant un grand rôle dans la formation de nos sentiments et de nos idées. Ces processus, c’est la physiologie qui les détermine en déterminant les divers états organiques avec lesquels ils sont dans la plus étroite dépendance. C’est encore la physiologie qui nous permet de suivre l’évolution des faits psychiques en établissant leur essentielle identité chez le névropathe et l’aliéné, chez l’enfant et l’animal, ou chez l’homme sain et adulte. « Dans l’intelligence de Newton, écrit M. Ch. Richet, il n’est rien qui ne se trouve, quoiqu’à un état d’extrême abaissement, dans l’intelligence de l’animal.

« Comme l’homme, l’animal est intelligent, mais à un degré inférieur. Ce n’est pas la qualité qui diffère, c’est la quantité. Le cerveau