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que l’auteur a souvent constatée chez les somnambules. Mais c’est un point sur lequel il n’a pas insisté, se contentant de relater diverses observations. Il me paraît toutefois qu’on pourrait établir un rapport direct entre cette excitation intellectuelle et le fait même de l’abolition de la conscience et de l’automatisme. C’est en apparence quelque chose de paradoxal que cette surexcitation chez un être endormi, inerte. Or le cerveau des somnambules est soustrait aux influences extérieures, à ses conditions ordinaires d’activité, impressions sensorielles, sensitives, etc. Par suite tout le travail nerveux, qui’se fait d’habitude pour recevoir et conserver ces impressions, n’a plus lieu. Si on excite alors ce cerveau par une suggestion convenable, il réagira automatiquement, et n’aura-t-il pas une plus grande somme d’énergie pour réagir ? De même cette mémoire consciente est abolie, grâce à laquelle non seulement nous conservons, mais nous conservons pour les employer à notre volonté, les notions acquises ; car, à l’état normal, il se fait sur ces notions un tel travail d’appropriation qu’elles deviennent nôtres définitivement ou du moins pour un long temps. Mais ce travail exige un exercice continu de la conscience. Comme la conscience est suspendue dans le somnambulisme, il en résulte qu’un cerveau placé dans ces conditions, excité par quelque suggestion, pourra réagir automatiquement avec une plus grande énergie. Qu’on n’oublie pas non plus que chez les somnambules la sensation est unique. C’est une autre cause de force. De l’idée qu’on lui a suggérée, le somnambule tire tous les effets qu’elle contient, parce que rien ne vient la contrebalancer.

Il suffira maintenant de signaler les résultats psychologiques les plus importants des recherches de M. Ch. Richet, car ces résultats se trouvent surtout consignés dans l’étude intitulée : La personnalité et la mémoire dans le somnambulisme, qui a paru dans la Revue du mois de mars 1883. On se rappelle sans doute que l’auteur a pu montrer nettement le dédoublement et l’amnésie de la personnalité, la grande place qu’occupe la mémoire dans la personnalité, l’importance de la mémoire inconsciente, et qu’il a décrit sous le nom d’ « objectivation des types » un état hallucinatoire extrêmement curieux. — Dans l’appendice il faut particulièrement noter, toujours au point de vue psychologique, deux études traitant de l’influence des mouvements sur les sensations et sur les idées, et des notes sur les actions psychiques réflexes, sur l’identité des différents délires, sur les souvenirs inconscients et leur rôle dans la formation du caractère, etc.

Enfin il importe de mentionner les deux mémoires sur la douleur et sur les causes du dégoût. Le premier a paru dans la Revue, en nov. 1877.

L’auteur concluait sur la nature de la douleur en disant que c’est « une fonction intellectuelle d’autant plus parfaite que l’intelligence est plus développée. » La plupart des physiologistes ont adopté les idées de M. Richet : que le développement de la sensibilité est corrélatif au développement de l’intelligence, que par suite la sensibilité à la dou : leur devient exquise quand la mémoire, le jugement, l’attention sont