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ANALYSES.ch. richet. L’homme et l’intelligence.

idées antérieures. Pour réveiller les souvenirs, il faut une excitation extérieure ; tandis que, chez un individu sain, cette excitation extérieure n’est pas nécessaire, la conscience et la mémoire étant éveillées simultanément » (p. 232). Et ailleurs M. Richet écrit : « Si on voulait pénétrer plus profondément dans la cause de cette abolition de la volonté, on la trouverait peut-être dans une sorte d’amnésie. Pour arrêter une pensée, il en faut une autre qui y mette obstacle ; pour entraver un sentiment, un autre sentiment, plus fort, doit prendre naissance. On peut supposer que c’est la mémoire simultanée de deux sentiments ou de deux pensées qui fait défaut. Pour choisir, il faut évidemment plusieurs idées, entre lesquelles s’établisse le choix. Celui qui n’a qu’une seule idée n’a pas les moyens de choisir, c’est le cas du somnambule chez qui tout est effacé, sauf l’idée qu’on lui a donnée.

« De la sorte tous ces troubles intellectuels seraient, en dernière analyse, ramenés à des amnésies plus ou moins étendues.

« Ce n’est là évidemment qu’une hypothèse, mais elle est fort vraisemblable et explique clairement bien des faits.

« Qu’on l’accepte ou non, il n’en est pas moins vrai que l’automatisme ou l’aboulie caractérisent le somnambulisme, au point de vue psychique comme au point de vue somatique » (pp. 529-530).

Pour discuter l’explication proposée par l’auteur, il serait nécessaire d’entrer dans le détail de nombreux faits et il faudrait dépasser les limites de ce compte-rendu. Qu’on remarque cependant que, si l’hypothèse de M. Richet suffit pour un certain nombre de cas, elle n’explique pas complètement l’automatisme somnambulique. Il semble qu’il y a souvent dans cet état plus et autre chose que de l’amnésie ; il y a réellement absence d’un pouvoir modérateur propre, d’un pouvoir direct d’arrêt. Ce n’est pas à dire que M. Richet n’ait pas vu toute l’importance psychologique des phénomènes d’inhibition. Il a même présenté de l’inhibition en général une excellente analyse, quoique un peu brève (appendice, pp. 531-536), outre que dans tout le cours du livre il en est souvent question. Il reste néanmoins que dans l’explication systématique des faits, accordant un très grand rôle à l’amnésie, il a été amené à laisser au second plan les considérations relatives aux actions d’arrêt. Cela ne laisse pas d’étonner un peu, alors que pour des explications partielles, pour l’explication du caractère des hystériques, par exemple, pour celle de l’action du hachich, etc., il s’est heureusement servi de cette notion. Celle-ci, d’ailleurs, est fort probablement appelée à jouer de plus en plus un rôle très important dans la physiologie nerveuse, le système nerveux central paraissant doué de deux grandes propriétés : un pouvoir d’excitation et un pouvoir d’arrêt. C’est ce que montrait récemment encore avec beaucoup de clarté, sous une forme synthétique, le professeur Beaunis, dans une intéressante communication à la Société de biologie (Comptes rendus de la Soc. de biol., séance du 1er mars 1884).

Il resterait à expliquer la surexcitation intellectuelle, l’hyperidéation,