Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/654

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
650
revue philosophique

sant le centre moteur correspondant, ou bien l’on a cru ruiner la doctrine des localisations cérébrales en montrant qu’une même partie du corps pouvait être mise en mouvement à la suite de l’excitation de points très divers de l’écorce cérébrale. Or, il peut y avoir diverses portions de la couche corticale servant, en quelque sorte, de substratum à des systèmes de courants dont la résultante centrifuge est toujours suivie du mouvement de telle ou telle partie du corps. Si l’une de ces portions est détruite, il peut en résulter une paralysie d’autant plus irrémédiable que cette portion avait des rapports plus étroits et plus constants avec les portions corticales associées ; mais on conçoit qu’une ou plusieurs de celles-ci puissent recouvrer leur intégrité indirectement compromise et que la fonction perdue puisse même être recouvrée grâce à la suppléance de ces portions associées, de même qu’un mot oublié peut être remplacé au moyen d’une périphrase. On conçoit aussi que si l’excitation d’une circonvolution donnée produit toujours un mouvement de la main et de l’avant-bras par exemple, l’existence de ce centre agissant sur l’avant-bras n’exclut pas celle d’autres portions corticales susceptibles d’agir sur la même partie du corps. Je puis remuer le bras et la main, soit consécutivement à une sensation visuelle, soit consécutivement à une sensation auditive, ou à une sensation tactile etc., soit même à la suite d’une combinaison imaginative indépendante de toute sensation actuelle. Dans ces cas divers, il est peu probable que mon bras soit toujours actionné par la même région corticale et, par conséquent, l’expérimentateur qui cherchera le centre moteur de l’avant-bras et de la main sera exposé à le rencontrer tantôt en un point, tantôt dans un autre. Ainsi que l’a constaté un de nos physiologistes vivisecteurs les plus habiles, le docteur Couty[1], au Muséum de Rio de Janeiro, les centres moteurs sembleront « exécuter une contredanse » dans laquelle pourront figurer, suivant la théorie exposée dans le paragraphe précédent, tous les centres psychiques dont l’activité aboutit habituellement à une résultante centrifuge incitatrice des parties du corps dont il s’agit.

Il nous reste à présenter une dernière considération très importante. Ferrier a fait remarquer, à l’appui de sa théorie, que l’ablation des hémisphères cérébraux agit différemment dans des classes différentes[2]. Chez les vertébrés supérieurs tels que le chien, cette mutilation exerce sur la motilité une influence beaucoup plus marquée que chez le lapin. Chez les poissons, la grenouille, le pigeon, elle

  1. L. Couty, Le cerveau moteur. (Archives de physiologie, 1884.)
  2. Functions of the Brain, p. 207.