Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 17.djvu/643

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
639
MANOUVRIER. — la fonction psycho-motrice

cérébrales peuvent être le théâtre d’opérations très parfaites auxquelles peuvent succéder des mouvements très bien appropriés et coordonnés, tout comme s’il y avait eu production de conscience. La seule différence est que le cerveau sert alors de substratum à ces opérations nerveuses sans les connaître, tandis que, dans l’état opposé, il les subit consciemment, voilà tout. Le sommeil ordinaire, divers états de somnambulisme et d’hypnotisation nous fournissent des exemples frappants de cette persistance de l’accomplissement des phénomènes intellectuels et des mouvements qui en résultent, en l’absence de la conscience.

Nous ne fatiguerons pas ici le lecteur par une énumération d’exemples aujourd’hui connus de tout le monde. On sait que, dans l’état de fascination, les idées suggérées sont suivies de l’exécution d’actes en rapport avec l’idée imposée. On constate également une tendance à l’imitation automatique des mouvements faits par l’opérateur. Mais d’ailleurs, à l’état normal et à l’état de veille même, combien de phénomènes intellectuels se passent en nous sans que la conscience en soit informée ; et combien de mouvements, d’actes utiles n’accomplissons-nous pas chaque jour consécutivement à ces phénomènes psychiques inconscients.

C’est ce qui a lieu normalement pour les opérations cérébrales et les mouvements consécutifs que leur longue et fréquente répétition chez l’individu ou chez ses ancêtres a rendus instinctifs. La conscience n’est plus éveillée par ces opérations parce qu’il faut, pour la produire, des courants nerveux cérébraux peu habituels et cheminant en quelque sorte avec un certain effort. Or les plus anciennes et les plus habituelles des opérations cérébrales sont sans contredit celles qui se rapportent aux sensations viscérales. Aussi les courants centrifuges qui peuvent animer les viscères sont-ils en général involontaires, c’est-à-dire inconscients. Mais cela n’empêche pas ces courants d’être, eux aussi, des résultantes cérébrales, c’est-à-dire que ce sont des courants réflexes d’un ordre plus élevé que les courants médullaires et qu’ils présentent, eux aussi, un déterminisme d’autant plus compliqué que le cerveau possède des éléments d’adaptation et de correspondance plus complexes avec les viscères.

La différence qui existe entre les mouvements commandés par le cerveau et les mouvements commandés par les centres nerveux inférieurs, c’est que les premiers, étant régis par des centres possédant une adaptation très complexe, peuvent participer à des actes appropriés à des conditions très diverses. Cette corrélation résulte de tout ce qui vient d’être dit dans ce paragraphe et se trouve trop bien démontré par les faits vulgaires pour qu’il soit nécessaire d’insister