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la parole ne sont pas capable non plus de faire à propos un signe négatif ou un signe affirmatif, bien qu’ils ne soient pas, à proprement parler, à l’état de démence.

Les troubles de la perception des signes sont de deux ordres, ils sont en rapport les uns avec l’état de la fonction visuelle, les autres, avec l’état de la fonction auditive.

L’abolition de la perception des signes vocaux est désignée sous le nom de surdité verbale ; voici en quoi elle consiste : un individu à la suite d’un choc cérébral, ou progressivement suivant les cas, cesse de comprendre ce qu’on lui dit ; cependant il n’est pas sourd, il perçoit le plus léger bruit, une épingle qui tombe derrière lui sur le parquet lui fait tourner la tête. Il entend bien qu’on lui parle ; maïs ce ne sont que des sons auxquels il ne peut attacher aucun sens ; et, malgré ses efforts, il ne peut faire que des réponses incohérentes. Il cherche à compenser son défaut de perception auditive par l’application de ses souvenirs visuels et de ses souvenirs moteurs ; il s’applique à traduire les mouvements des lèvres de son interlocuteur ; mais c’est toute une éducation à faire. La surdité verbale ou psychique peut exister à l’état de symptôme isolé ou peu s’en faut : une malade de M. Giraudeau comprenait facilement les questions qu’on lui posait par écrit et y répondait correctement. Le plus souvent pourtant elle est combinée à d’autres troubles de l’expression ou de la perception, et elle se complique très fréquemment d’amnésie verbale.

La cécité verbale est constituée par la perte plus ou moins complète de la faculté de comprendre les signes écrits. Les sujets qui en sont atteints entendent, parlent, mais ils sont incapables de lire, bien qu’ils puissent avoir conservé la possibilité d’écrire couramment : tel était le malade de M. Charcot, qui ne pouvait relire que ce qu’il venait d’écrire à l’instant même. Cependant la vision était assez nette pour que le sujet pût ramasser une aiguille et voir les lettres ; il avait seulement perdu la mémoire de leur signification. La cécité verbale est rarement absolue. En général les malades qui ne présentent ce trouble qu’à un degré atténué, lisent avec plus de peine les caractères imprimés que les caractères de l’écriture ordinaire, ce qui tient à ce que, s’ils ont perdu la mémoire visuelle, ils ont conservé la mémoire des mouvements nécessaires pour écrire. Lorsqu’ils veulent lire des lettres cursives, ils font avec leur main les mouvements appropriés pour les tracer, et ce mouvement provoque une sensation qui rappelle la lettre cherchée[1].

  1. Un travail en préparation de M. Bernard contiendra une étude particulièrement détaillée de la cécité des mots.