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l’origine de la mimique, des mouvements expressifs de la face et des membres, de l’éloquence du corps, qui produit un effet d’autant plus saisissant qu’elle rappelle mieux son origine animale, et qu’elle se rapproche davantage des mouvements réflexes naturels.

Tant que le sujet de l’excitation est en mesure de répondre par un mouvement efficace, nous assistons à un effort muet : l’animal fuit le danger qui le menace, ou se précipite sur la proie qu’il convoite. Si, au contraire, il est incapable de cet effort utile, soit parce que l’excitation est trop brusque et le surprend, soit parce qu’elle est hors de proportion avec sa puissance, l’animal se contracte comme pour un effort ; mais il n’est pas maître de ses mouvements : la glotte reste ouverte et la contraction de ses muscles thoraciques, au lieu de fournir un appui à une contraction utile des muscles des membres, ne détermine qu’un cri, involontaire aveu de l’effort impuissant, Tout d’abord accidentel, le cri devient volontaire, se manifeste à propos de sensations qui rappellent les excitations qui la provoquaient primitivement d’une manière réflexe ; de signe réflexe, il devient signé voulu. Peu à peu, il reproduit les sons et les bruits de la nature, devient langage articulé, et constitue une mimique sonore qui sert de complément à la mimique silencieuse constituée par les mouvements expressifs de la face et des membres.

Ainsi qu’ils soient sonores ou non, qu’ils s’adressent à l’ouïe ou à la vue, les signes actifs résultent d’un effort, d’une contraction musculaire plus ou moins complexe.

Cette contraction réflexe provoque elle-même une sensation spéciale, sensation d’effort qui se fixe dans les cellules de certains centres sensoriels du cerveau, et cette mémoire réflexe du mouvement joue elle-même plus tard un rôle important dans la fonction de l’expression. Nous verrons d’ailleurs qu’à chacune des opérations qui nous permet de percevoir ou de transmettre des signes, correspond une mémoire spéciale ou localisée, sujette à des altérations propres.

Nous n’envisagerons dans cet article que les troubles déterminés par des lésions cérébrales localisées ; laissant de côté les anomalies dues à des états névropathiques généraux ou à des lésions périphériques localisées, comme la surdi-mutité, le bégaiement, la paralysie labio-glosso-laryngée, etc., etc.

Nous avons voulu tout d’abord indiquer en général les différentes variétés de signes, dont la perception ou l’expression peuvent être atteintes isolement, pour faire comprendre pourquoi nous n’en décrivous pas les troubles sous les dénominations trop peu compréhensives d’aphasies, de troubles du langage, qui ne peuvent pas s’appliquer à la généralité des phénomènes.