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pas dire insoluble, mais impensable. Cleland traite comme identiques deux choses que la psychologie moderne distingue profondément : 1o le processus physique ou changement dans le système nerveux que nous appelons sa fonction ; 2o le changement dans la conscience concomitant avec cette fonction. Les expériences de Ferrier ont établi que dans certaines régions du cerveau certaines fonctions sont localisées ; mais il n’est pas là question de conscience, mais seulement d’organes, d’espaces, de forces et de mouvements. Peu importe que ce processus physique nervo-musculaire soit, ou non, accompagné de conscience. On a localisé une fonction, un processus physique. Maintenant on peut aller plus loin et supposer que l’excitation d’une certaine zone est accompagnée, dans l’esprit, de l’idée du mouvement que cette zone représente. C’est ce que la psychologie actuelle suppose ; mais ce n’est nullement localiser la conscience ; c’est déterminer approximativement la région du cerveau dont l’activité est accompagnée de la production d’une petite portion de conscience. Lorsque nous parlons d’un centre visuel, cela ne signifie pas que la conscience de la couleur ou de la lumière est localisée dans cette région ; mais que la sensation de couleur se produit lorsque ce centre est en activité fonctionnelle. Sans doute les expressions employées d’ordinaire prêtent à l’équivoque ; il ne faut cependant y voir que des formules abréviatives.

Cleland, qui a la prétention de passer en revue toutes les doctrines, ne dit pas un mot de la plus autorisée : celle qui considère l’état mental comme le côté subjectif du processus nerveux. Il prétend aussi que la théorie courante demanderait pour chaque point discernable du corps un tractus nerveux distinct, qui le relie à un point terminal dans le cerveau. Cette théorie ne demande pas un nerf distinct pour chaque canal distinct de communication ; elle soutient au contraire que ce n’est que quand ce canal est formé depuis longtemps et a été traversé par de nombreux courants, que la matière grise presque homogène prend lentement l’arrangement permanent qui caractérise une fibre nerveuse. Quant à l’expression « point terminal du cerveau », il est faux qu’il s’agisse d’un point de bifurcation où brusquement les courants afférents deviendraient efférents. Nous nous représentons bien plutôt un arrangement analogue aux cavités d’une éponge, un système de canaux intercommunicants.


Archives de Neurologie.
Novembre 1883. Janvier et mars 1884.

Sikorksy. Du déveloupement du langage chez les enfants. — Après avoir rappelé les travaux faits sur cette question par Taine, Darwin, Vierordt, Preyer, Kussmaul, Löbisch, Schultze, etc., l’auteur expose qu’il a principalement porté son attention sur le développement des sons et sur la formation des syllabes et des mots. Pendant plusieurs mois, il a noté par écrit les paroles de chaque enfant séparément ; puis il a